3 septembre > Roman Etats-Unis

On se souvient de cette blague juive : "- Sa mort a été accueillie dans une scandaleuse indifférence. - La mort de qui ? - Je ne m’en souviens plus." La vie et la mort d’Harriet Burden sont en quelque sorte l’illustration de cette plaisanterie métaphysique. Cette forte femme, au caractère affirmé, sembla renoncer à ses ambitions artistiques lorsqu’elle rencontra et épousa le galeriste new-yorkais Felix Lord, dont elle eut deux enfants. A la mort de celui-ci, "Harry" entreprit de renouer avec sa vocation première, mais choisit de le faire par le biais d’une de ces mystifications dont le monde de l’art est friand. Afin de dénoncer les présupposés antiféministes du milieu (mais aussi par un singulier aveu paradoxal confinant à la haine de soi), elle fit endosser la paternité de trois expositions, réunies sous le titre générique de "Masquages", par trois artistes, tous masculins et plus jeunes qu’elle. Le succès alla au-delà de ses espérances, ouvrant la boîte de Pandore où gisaient envie, frustration, sexisme et folie. Et Harriet Burden, qui se rêvait maîtresse des illusions, se révèle apprentie sorcière et bientôt victime de ses propres "dispositifs".

Il y a dans Un monde flamboyant, qui se présente comme une tentative monographique autour du "cas" Burden, un vertige essentiel. C’est d’abord celui de cette familiarité entre l’auteure et son héroïne, toutes deux mariées à un homme célèbre, en butte à la difficulté de s’imposer une triple légitimité en tant que femme, épouse et artiste. Ce qui est en jeu dans ce thriller sur fond d’art contemporain, c’est non seulement une réflexion forte sur les nouvelles frontières du féminisme en même temps que sur les impasses et faux-semblants de la notoriété, mais aussi sur les territoires que peut concéder la modernité au romanesque. Tout cela étant un rien cérébral ; mais qui a décrété que le roman ne pouvait se payer le luxe d’être intelligent ? Olivier Mony

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