Débat

Quel modèle économique pour l'écrivain d'aujourd'hui ?

De gauche à droite : Vincent Monadé, Vincy Thomas, Laure Limongi, Alban Cerisier - Photo DR

Quel modèle économique pour l'écrivain d'aujourd'hui ?

Dans une première table ronde, des professionnels du livre, invités du colloque organisé par nonfiction.fr au Centre national du livre, ont débattu sur le modèle économique de l’écrivain à l'heure du numérique.

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Par Agathe Auproux
Créé le 19.11.2015 à 18h56 ,
Mis à jour le 20.11.2015 à 15h02

Dans le cadre d’un colloque professionnel organisé par nonfiction.fr au Centre national du livre (CNL), le jeudi 19 novembre, Alban Cerisier, secrétaire général de Madrigall, Olivier Chaudenson, directeur de la Maison de la Poésie, François Gèze, ancien directeur des éditions La Découverte, Valentine Goby, écrivaine et présidente du Conseil permanent des écrivains, Nathalie Heinich, sociologue spécialiste du statut d’auteur, Laure Limongi, professeur, éditrice et écrivaine, Laure Pécher, éditrice et agent littéraire, Geoffroy Pelletier, directeur de la Société des Gens de Lettres (SGDL) et François Samuelson, agent littéraire, ont échangé pendant plus d’une heure sur l’avenir et le modèle économique de l’écrivain, notamment face au numérique, dans un débat animé par Vincy Thomas, journaliste à Livres Hebdo.

Une base minimum de rémunération sur le numérique

Geoffroy Pelletier relativise l'impact de la vente d'ebooks sur les revenus de l'auteur, en rappelant que les polémiques autour du numérique monopolisent le débat public jusqu'à éclipser la vérité de la situation, qui est que le livre papier constitue toujours plus de 95% du revenus des auteurs. Il préconise cependant "un minima de rémunération" qui serait égal sur le livre imprimé et le livre numérique : "Par exemple, si un livre se vend 20 euros en librairie et que l'auteur touche 10% du prix, il faudrait s'assurer qu'il retrouve ces 2 euros sur la vente de la version numérique de sa production", schématise-t-il.

L'agent de Michel Houellebecq, Virginie Despentes et Olivier Adam, François Samuelson, va plus loin en anticipant un "monde numérique", où le livre papier aurait complétement disparu. Il s'attendrait à ce que l'auteur et l'éditeur se retrouvent dans une réparition à 50/50, justifiant "une réduction de la chaîne du livre à un plus petit nombre d'acteurs". Selon lui, si le numérique venait à dominer, ce ne serait pas une catastrophe pour l'écrivain car la réduction supposée des intermédiaires dans la production et la diffusion lui assurerait des revenus supplémentaires.

Une rémunération des auteurs sur les salons, pas en librairies

La sociologue Nathalie Heinich, qui n'a pas manqué de suciter la polémique en considérant qu'écrivain n'était pas un métier mais une vocation, résume les préoccupations pressantes en deux axes, exposés initialement par l'écrivain Frédéric Martel dans son rapport remis au CNL sur l’avenir de l’écrivain et ses potentielles rémunérations : 
- augmenter l'offre légale numérique.
- augmenter les droits sur le numérique pour les auteurs.
Nathalie Heinich s'oppose toutefois à une rémunération systématique des prises de parole des écrivains en public, jugeant "délirant, avec l'état des librairies, de demander aux libraires de rémunérer les auteurs en séances de dédicaces". Toutes les personnalités s'accordent sur ce point même si Valentine Goby et Laure Limongi ont rappelé que leur métier d'écrivain était un plein temps et pas un passe temps. Valentine Goby a réaffirmé que les droits accessoires étaient essentiels pour un auteur, critiquant au passage des formations inadaptées alors qu'ils cotisent pour elles, rappelant également que les revenus d'aujourd'hui faisaient les retraites de demain.

Tous s'accordent sur le fait qu'un auteur doit avoir plusieurs revenus connexes.

La question de la rémunération des auteurs lors d'événements publics est restée centrale, faisant écho à la tribune du Réseau des événements littéraires et festival (Relief), relayée par la SGDL le 13 novembre : "Rémunérer les auteurs lors de manifestations littéraires, une évidence". Olivier Chaudenson, qui préside Relief, a insisté sur le fait que si "un événement fonde sa valeur sur la présence de l'auteur, il est impensable que ce dernier ne soit pas payé". L'éditeur François Gèze rappelle à ce propos que tous sont unis dans une même revendicaton : la rétribution la plus juste pour les auteurs, et la répartition la plus équitable des revenus au sein de la chaîne du livre.

Vincent Monadé, président du CNL, a rappelé en introduction qu'il avait fait le choix de maintenir ce colloque après les attentats meurtriers qui ont frappé Paris le vendredi 13 novembre, rappelant qu'il ne "faut pas changer sa façon de vivre", et toujours "encourager le débat et la discussion".

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