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Après le soutien justifié du ministère aux librairies, Aurélie Filippetti a annoncé une attention particulière aux bibliothèques cette année. Que pourrait-on attendre du ministère ? Peut-être parce que la « tutelle » ministérielle est de plus en plus réduite du fait d'une décentralisation bien ancrée, peut-être aussi parce que les professionnels n'osent plus croire aux promesses politiques, toujours est-il que l'annonce n'a pas suscité de prises de position pour faire valoir des revendications, ou exprimer des attentes. N'y a-t-il rien à demander ? Voici quelques pistes :
  • Reconstruire une « vision » des bibliothèques. Les bibliothèques municipales ont longtemps été vues et présentées par le ministère comme un élément d'une politique culturelle de la lecture (surtout s'il s'agit des œuvres légitimes et du rapport esthétique à la pratique). On sait que cette vision n'est plus en phase avec la réalité des attentes y compris des publics favorisés (entre 1997 et 2008, ces catégories ont le plus déserté les bibliothèques) et qu'elle ne permet qu'à la marge de capter les publics populaires (en 2008, 81% des ouvriers comme des agriculteurs déclarent n’avoir jamais fréquenté une bibliothèque au cours des 12 derniers mois).  N'est-il pas temps de penser la bibliothèque comme un espace public visant à promouvoir la diversité culturelle et à accompagner les aspirations de la population qu'elles soient ludiques, studieuses, créatives ou de divertissement ? Il convient donc d'élaborer cette nouvelle vision plus conforme à la société d'aujourd'hui qui n'est plus celle d'André Malraux... Il faudra aussi la répandre à travers les territoires en contrôlant davantage l’action des Conseillers Livre Lecture. Parfois, certains ne portent pas tant la vision du ministère que leurs propres marottes ou conception passéiste de la bibliothèque...
  • Traduire cette vision dans quelques projets pilotes, vitrine de la lecture publique d’aujourd’hui. Le ministère conserve quelques moyens pour financer des nouveaux établissements. Pourquoi ne pas les mobiliser pour bâtir des projets réellement innovants et porteurs de cette vision ? Sur la base de critères (par exemple les horaires d'ouverture), le ministère pourrait aussi attribuer un label aux établissements particulièrement remarquables à l'instar du label LIR (Librairie Indépendante de Référence). Il pourrait aussi promouvoir l’action des bibliothèques en mettant en avant les usages qui en sont faits (nombre de visites recensées, documents les plus empruntés, etc.).
  • Soutenir les collectivités locales dans la construction d’une offre à distance. Le basculement des pratiques culturelles vers le numérique impose de proposer une offre publique. Pour l'instant la numérisation concerne le patrimoine et peu la production vivante. Les bibliothèques des collectivités n'ont pas les moyens de construire cette offre. Elles ont besoin d'aide et d'une instance qui rassemble leurs efforts. La mise en place des « bibliothèques numériques de référence » est une réponse mais il faut évaluer le rapport de cette offre aux attentes de la population et en étendre l'accès.
  • Réorienter une partie des moyens de la BNF vers le soutien aux bibliothèques publiques. Au-delà de ses missions traditionnelles, la BNF doit aussi être au service des bibliothèques des collectivités. Elle reçoit plus de 203 Millions d'euros de subventions d'Etat contre 7 à la BPI qui n'a pas les moyens de prendre en charge la mission d'accompagner les bibliothèques municipales. Il serait intéressant de monter un groupe de travail dans lequel les bibliothèques municipales pourraient exprimer ce qu'elles attendent de la BNF. Il pourrait autant être question des pratiques de catalogage (pourquoi l'indexation de la fiction ne serait-elle pas faite par la BNF ?) que de soutien à la mise en place d'une offre de services numériques ou que de la création d'un portail de ressources à jour et gratuites dans le domaine du soutien scolaire. 
  • Aider les bibliothèques en cherchant à mieux connaître les retombées de leur activité. Le pilotage des bibliothèques supposerait de mieux prendre en compte le point de vue des publics. Par exemple : depuis des décennies les bibliothèques consacrent une énergie importante à l'accueil de classes, mais quels sont les effets (y compris pervers) de cette politique ? Cela se traduit-il par une familiarisation prélude à une fréquentation ultérieure ou au contraire cela nuit-il à l'appropriation personnelle de l'équipement ? Pouvoir répondre à ces questions aurait été utile pour aider les établissements à se positionner à propos de la réforme des rythmes scolaires.
 
Cette liste de chantiers n'est pas exhaustive (on aurait pu parler des modalités de recrutement et de formation des bibliothécaires) mais elle est suffisante pour occuper les mois qui viennent... Vive l'année des bibliothèques !

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