Bibliothèque

Reconversion : pourquoi j’ai quitté mon métier pour devenir bibliothécaire (1/2)

Fanny Guyomard

Reconversion : pourquoi j’ai quitté mon métier pour devenir bibliothécaire (1/2)

Ils venaient d'autres horizons professionnels et ont tout quitté pour atterrir en bibliothèque territoriale. Quel a été leur cheminement, quelles ont été leurs attentes ? De cette série en deux épisodes, ressort en creux les difficultés d’un métier-passion. Témoignages.

J’achète l’article 1.5 €

Par Fanny Guyomard
Créé le 18.01.2024 à 12h00 ,
Mis à jour le 18.01.2024 à 18h08

L’un était ingénieur chef de projet en bureau d'études, une autre éducatrice spécialisée pendant 27 ans, une troisième responsable juridique dans de grands groupes avec un salaire de 4000 euros par mois… Et ils sont devenus bibliothécaires.

La dernière, Emeline Gaillard, 43 ans, se retrouve maintenant en CDD, grade C, payée au Smic, mais « ne regrette absolument pas ! ». Un métier humain, de contact, créatif, polyvalent… et qu’elle a exercé toute son enfance, en loisir, avec ses parents bénévoles. Le jour où la bibliothèque de sa commune, Mézières-sur-Seine (Yvelines), ferme suite au départ de la seule bibliothécaire, Emeline se propose comme bénévole, et sera recrutée. « Ce qui est fou, c’est que ce métier n’est pas ressorti dans mon bilan avec Pôle emploi. Il est peu valorisé, peut-être en raison du salaire et parce que je venais du secteur privé », regrette-t-elle.

La richesse de l’ailleurs

De sa précédente expérience, elle met à profit sa capacité à gérer un projet, un budget. De son côtéEric Cervos, met en avant son maniement des tableurs, après trente ans dans l’industrie. Bibliothécaire à mi-temps « pour mixer le côté technique et artistique du livre », il a pu se consacrer à l’écriture et publier notamment Ad Vernam Aeternam aux éditions ThoT.

Il n’est pas devenu libraire, métier qu'il juge « trop commercial », mais qui comporte quand même un avantage : être son propre patron, alors qu’un bibliothécaire municipal doit obéir à des élus « qui n’y connaissent souvent pas grand-chose ! », glisse une des bibliothécaires interrogées.

Service au public

Loan Nguyen, 37 ans, a elle quitté son CDI dans un quotidien national en mauvaise santé économique pour la médiathèque Lucie-Aubrac, à Vénissieux, dans la métropole lyonnaise. « Quand j’avais six ans, je ne jouais pas à la maîtresse, mais à la bibliothécaire », se souvient-elle. Mais pas facile pour autant de le devenir : malgré son concours d’assistante de conservation du patrimoine qu’elle décroche en 2021, personne ne répond à ses candidatures.

Il lui faut se former à l’Enssib pour obtenir son poste, dans un milieu épanouissant : « Les bibliothécaires sont des personnes qui débordent d’envie, de créativité, et qui aiment les gens », loue celle qui voulait rendre un service public, dans ces endroits réconfortants. « J’étais frustrée de ne pas avoir de retours directs de lecteurs. Ici, c’est gratifiant de voir notre utilité auprès des gens », ajoute l’ex-journaliste, qui espère participer aux ateliers d’éducation aux médias. « L’EMI en bibliothèque est trop souvent théorique ! »

Communication et pédagogie

Ancienne communicante, Sandra Adamantiadis met également à profit son ancien métier dans sa Bibliothèque de Joncquières (Vaucluse). « Il faut beaucoup communiquer auprès des publics, pas seulement des lecteurs. Et auprès des élus, qui ne connaissent pas toutes les nouvelles missions des bibliothèques », raconte-t-elle. 

Autre métier cousin : prof. Emmanuelle Bourdon-Ros, aujourd’hui à la Passerelle, (Bourg-lès-Valence, dans la Drôme), l’a été pendant 25 ans, en école. À 50 ans, ras-le-bol. Elle devient bibliothécaire jeunesse, perd mille euros de salaire et n’a aucun regret. « Sauf quand mes anciens collègues me disent qu’ils sont encore en vacances », plaisante-t-elle.

De son nouveau métier, elle ne soupçonnait pas la technicité. « Je ne connaissais pas non plus ce système de ‘caste’ entre les bibliothécaires de catégorie A, B, ou C, alors que sur le terrain, des personnes de catégorie C font du travail de B ! »

Bibliothécaire lui permet sinon de s’adonner au troisième métier qu’elle envisageait : l’artisanat, à travers des animations. La force des bibliothèques est leur plasticité, applaudissait ici le danseur puis bibliothécaire William Jouve. Les passerelles sont multiples avec d’autres secteurs, illustre encore Krystel Terry, aide médico-psychologique devenue bibliothécaire diplômée dans un centre pour personnes handicapées (Établissement public communal autonome de la fonction hospitalière).

L’importance de la formation

Mais il faut se former. « Je reçois énormément de candidatures de personnes, notamment des enseignants, qui disent adorer les livres. Mais c’est un métier technique ! », souligne Sandra Adamantiadis, diplômée de l’Enssib « pour être légitime ». « Les gens pensent que c’est un métier plan-plan, alors que, par exemple, les accueils de classe sont très réfléchis, pensés avec les enseignants pour être pédagogiques et ludiques, sous la forme d’escape game ou de codage », illustre Loan Nguyen.

« C’est bien d’aimer lire, mais on ne lit jamais pendant le travail !, rappelle Emeline Gaillard. Les premières semaines, j’avais des ampoules aux pieds parce qu’on passe notre temps à marcher entre les rayons, à porter des livres, les ranger, pousser des chariots… Il faut aussi jongler rapidement entre l’accueil des usagers, le téléphone qui sonne, les mails à traiter et la surveillance des autres espaces. C’est un métier assez sportif ! », déballe-t-elle, la voix cassée à force de lectures à voix haute. Elle allait oublier : « Il faut être maniaque, on passe beaucoup de temps à nettoyer, il faut que la bibliothèque soit attractive ! ». 

 

La semaine prochaine, seconde partie de cette série : "Pourquoi j'ai quitté mon métier de bibliothécaire"

Les dernières
actualités