3 JUIN - ROMAN France

Emmanuel Pierrat- Photo OLIVIER DION

A la fin de l'année dernière, au musée de la Chasse et de la Nature, en plein Paris, des individus ont gazé les gardiens et sont repartis avec... une corne de rhinocéros ! C'est que la corne de cette espèce protégée vaut de d'or, voire bien plus : broyée, elle est utilisée en médecine chinoise comme aphrodisiaque : le supposé Viagra bio peut atteindre jusqu'à 250 000 dollars le kilo de poudre. L'avocat et écrivain Emmanuel Pierrat et son frère Jérôme, journaliste et auteur d'ouvrages sur le crime organisé, ont conjugué leurs plumes pour prendre le problème du trafic d'animaux par la corne... de rhinocéros.

Jérôme Pierrat- Photo DR/DENOËL

Mathusalem, l'un des plus beaux spécimens de la réserve de Sarah, au coeur du bush sud-africain, est retrouvé mort, abattu de deux balles dans la tête, et la base de sa corne sciée par les braconniers. Sarah, jeune trentenaire blanche qui, après la fin de l'apartheid, a reconverti l'exploitation familiale en lodge pour amateurs de safaris, n'entend pas se laisser démonter. La police lui promet de régler très vite le problème et missionne Adam Ovambo, un ancien de la PJ. Quand ce dernier débarque, la jeune femme blonde n'est pas indifférente au beau lieutenant noir. Son affaire de parc zoologique pour touristes avait beau fructifier, il était grand temps pour elle qu'elle se mît "à la recherche d'un mâle pour ne pas louper le rendez-vous avec sa propre horloge biologique et pouvoir, à son tour, sauvegarder la biodiversité". Adam a quitté l'enfer des townships parce qu'il en avait "plein le dos des guerres des gangs et leur lot de jeunes assassinés", mais a gardé la tête froide du flic aguerri aux pires situations : il n'est guère sensible aux charmes de la propriétaire terrienne. Ni dans l'enquête ni dans la séduction Sarah n'abdique. Une opiniâtreté qui mène les deux protagonistes à Hongkong. La paire y rencontre un certain Mr Lee "dont le prestige est tel que nul n'avait osé se moquer de lui lorsqu'il avait baptisé son fils Bruce..." et dont la pharmacie a "en magasin des testicules de tigre, des pénis de yaks, de la bile d'ours et bien sûr de la corne de rhinocéros". L'apothicaire chinois propose à Sarah de "filer" son concurrent et ennemi juré, Mr Won, l'auteur de l'"assassinat" de Mathusalem, jusque dans un casino où le parrain du trafic d'animaux s'adonne aux jeux... Fort bien documenté sur les filières de commerce illégal de cornes de rhinocéros, ce roman aux allures de polar dessine également une belle anatomie de la république sud-africaine, cette "nation arc-en-ciel" où, malgré le métissage affiché, les tensions raciales, la violence et la pauvreté ont loin d'avoir disparu. Le réalisme n'étouffe pas pour autant l'humour, et on sent que les auteurs se sont beaucoup amusés à jouer des images d'Epinal et des contre-clichés sur l'identité des Noirs, des Blancs, des Asiatiques et les rapports hommes-femmes.

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