7 janvier > Essai France

C’était dans les années 1970. Brassens chantait "sans le latin, sans le latin, la messe nous emmerde…" Près d’un demi-siècle plus tard, grâce à un helléniste et surtout grâce à la réforme des collèges, on comprend pourquoi. Tout est dans le titre de cet essai coruscant. Les Anciens font partie de notre avenir, ils sont au fondement même de notre manière de penser, de voir et de croire ou non. Ce rappel n’est pas inutile. D’autant que Pierre Judet de La Combe, à qui l’on doit de nombreuses traductions de poésie et de théâtre grecs, le fait avec plus d’esprit que de polémique. Il est bien au-delà de l’antienne "ne pas savoir d’où l’on vient c’est ignorer où l’on va". Il est finalement plus proche de Brassens. Les Anciens, on peut s’en moquer, mais sans les connaître, même superficiellement, on ignore un peu de notre langue, de sa formation et de la manière dont on peut toujours la chahuter. L’Antique, ce n’est pas une relique statique et tyrannique. C’est dynamique et poétique, quelque chose d’unique qui nous parle encore pour peu qu’on s’attarde à l’écouter. Le directeur d’études à l’EHESS et directeur de recherches au CNRS nous dit tout cela avec pertinence et enthousiasme pour s’insurger contre "un fondamentalisme de la modernité" assez dérisoire et un combat contre l’élitisme qui se trompe de cible.

Mais s’il n’était qu’une réponse à la mesure ministérielle, cet essai resterait dans le débat pédagogique. Or il nous parle de bien plus, de la liberté, de la curiosité, du bonheur de se situer avec un passé et des traditions que nous n’avons pas choisis mais qui ont fait ce que nous sommes. Pierre Judet de La Combe nous propose de faire ce choix, non par sagesse mais par goût de l’aventure. Ce grand lecteur de textes se situe au-delà de l’idéologie et prend la juste mesure de sa bataille. "Il peut sembler dérisoire de brandir face à ces réalités lourdes la petite bannière trouée et effilochée des études classiques et littéraires."

Au contraire. La colère d’Achille a encore à nous dire et peu importe qu’Homère soit un, plusieurs ou même personne. Ce n’est pas en renonçant à ce qui nous a fait qu’on peut espérer se comprendre en éprouvant cette curieuse étrangeté qui nous vient de si loin. Laurent Lemire

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