Essai

Sonia Faleiro, "The Good Girls. Un meurtre ordinaire" (Marchialy) : Les filles ne sont jamais rentrées

Sonia Faleiro - Photo © Jonathan Ring

Sonia Faleiro, "The Good Girls. Un meurtre ordinaire" (Marchialy) : Les filles ne sont jamais rentrées

La journaliste Sonia Faleiro fait le récit glaçant d'une enquête dense et minutieuse sur le viol en Inde.

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Par Marie Fouquet
Créé le 23.03.2022 à 15h00

Capitale de l'Inde où siègent tous les pouvoirs du pays, New Delhi est aussi désignée comme la capitale du viol. En décembre 2012, le viol collectif d'une étudiante dans un bus par six hommes alors qu'elle rentrait du cinéma - viol auquel elle ne survivra pas - déclenche de vives manifestations dans le pays et l'expression d'une rage impossible à contenir face à la banalisation de ce fléau.

« Ce que montraient ces rassemblements, c'est que trop de victimes de violences sexuelles n'avaient jamais obtenu réparation », écrit Sonia Faleiro. La journaliste et romancière s'appuie sur un autre cas emblématique de la recrudescence des viols en Inde ces dix dernières années : deux adolescentes de 12 et 14 ans, cousines d'une famille de caste inférieure dans un village de l'Uttar Pradesh, sont retrouvées pendues dans un verger près de chez elles, probablement après avoir été violées. Après la diffusion d'une vidéo sur les réseaux, l'emballement médiatique est immédiat.

The Good Girls se déroule dans un pays « où la réputation [est] une peau », « où la vie d'une fille est l'affaire tous », où le système de caste est toujours un mode d'organisation officiel, et où l'on privilégie l'honneur des familles à la justice faite aux victimes de violences, et en particulier aux femmes. Après plus de cinq années de recherches, d'analyses, d'entretiens avec les différents acteurs de l'affaire - familles, voisins, politiques, journalistes, policiers... -, Sonia Faleiro signe un récit détaillé, informé, structuré, qui traduit des horreurs politiques ainsi que des mécanismes sociaux et de pouvoirs des plus détestables. Les autorités exercent par exemple le « test des deux doigts », qui consiste à vérifier l'état de l'hymen après un viol. Une pratique, qui, outre son inefficacité - ce « test » ne permet pas plus d'établir la virginité d'une femme que de prouver son consentement -, est humiliante et violente.

Sonia Faleiro parle d'un pays où elle a vécu jusqu'à ses 25 ans, étudiante puis journaliste, « une période exaltante, pleine de rêves et d'opportunités, mais gâchée par l'attitude des hommes ». L'auteure explique qu'en 2012, lorsqu'elle apprend la mort de l'étudiante violée collectivement dans le bus à Delhi, elle a le sentiment de perdre une proche. « Cette jeune femme aurait pu incarner le visage de l'Inde moderne : la fille de bagagiste devenue médecin, réalisant le rêve de la classe moyenne éduquée indienne. À la place, la facilité avec laquelle elle fut capturée, violée et assassinée [...] fut comme un signal d'alarme. »

Les mouvements massifs générés par ces affaires ont permis de développer les consciences politiques et de justice, de renforcer les lois et les sanctions pénales contre les agresseurs, et de participer à une libération de la parole. Mais l'impunité domine encore et les recensements de cas de viols se sont encore multipliés ces dernières années.

Sonia Faleiro
The Good Girls. Un meurtre ordinaire Traduit de l'anglais par Nathalie Peronny
Éditions Marchialy
Tirage: 4 500 ex.
Prix: 22 € ; 400 p.
ISBN: 9782381340340

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