Entretien

Sylviane Tarsot-Gillery/BNF : "Le public est demandeur d’expériences et d’émotion"

photo olivier dion

Sylviane Tarsot-Gillery/BNF : "Le public est demandeur d’expériences et d’émotion"

Fidéliser le public, poursuivre le défi du numérique, imaginer ce que sera le rôle d’une bibliothèque nationale en 2025, voici les principaux chantiers de Sylviane Tarsot-Gillery, arrivée à la direction générale de la Bibliothèque nationale de France le 10 mars 2014.

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Par Véronique Heurtematte,
Créé le 30.01.2015 à 01h03 ,
Mis à jour le 30.01.2015 à 11h27

Sylviane Tarsot-Gillery - C’est un établissement immense à tout point de vue. Je le savais avant, mais on le mesure d’autant plus de l’intérieur. Ce qui m’a le plus frappée, c’est l’immensité des collections et leur diversité, ainsi que la taille de l’équipe, presque 2 400 personnes. La taille des locaux également, répartis sur plusieurs sites.

C’est au contraire une richesse. La BNF a la chance d’avoir plusieurs sites qui correspondent à la diversité de ses missions. Elle a une vocation patrimoniale tout en étant inscrite dans la modernité. Il n’y a pas de clivage entre tradition et modernité et, aujourd’hui, le numérique traverse toutes les activités dans les différents départements. Mais le public a besoin d’avoir une idée claire de la proposition qui lui est faite à chaque endroit. Les gens, par exemple, sont très désireux de visiter le bâtiment historique de la rue de Richelieu.

C’est une opération au long cours car on a fait le choix de ne pas fermer et de continuer à accueillir le public. La première tranche des travaux s’achèvera au printemps 2016 avec la réouverture du bâtiment de la rue de Richelieu autour de la salle Labrouste et de la salle des manuscrits. La grande nouveauté, c’est que les lecteurs pourront travailler dans une partie des magasins. La salle Labrouste accueillera des collections de l’INHA [Institut national d’histoire de l’art], comme prévu, mais on envisage d’y communiquer également des collections de la BNF. Avec l’INHA, nous sommes dans une logique de site plutôt que dans une logique d’institution, car les chercheurs se soucient peu de savoir à qui appartiennent les documents qu’ils ont besoin de consulter. Nous avons une politique d’acquisitions concertée et nous envisageons de créer une carte de lecteur commune. Ce n’est pas si simple vu que nous avons des critères d’accès différents. Nous allons préparer la phase 2 des travaux avec le déménagement des collections dans la partie Vivienne. La réouverture de l’ensemble du site est prévue pour 2020.

Il sera bien remplacé par un escalier dessiné par Bruno Gaudin, beaucoup plus fonctionnel.

Cet aménagement constitue un progrès car il rend l’entrée de la bibliothèque plus visible et le hall beaucoup plus accueillant et lumineux qu’auparavant. Concernant l’escalier, nous allons commencer courant février des travaux pour occulter les marches afin de casser la sensation de vertige.

Il faut distinguer la fréquentation du rez-de-jardin réservé aux chercheurs et celle du haut-de-jardin pour le grand public. La fréquentation des chercheurs a baissé en effet de manière significative l’an dernier. Nous pensons que c’est dû au nombre croissant de ressources disponibles en ligne et au fait qu’il y a moins de chercheurs en sciences humaines en France. Nous constatons également que ces lecteurs ont tendance à venir moins souvent et à consulter moins de documents qu’il y a quelques années. Les chercheurs ayant moins de temps pour leur thèse, on peut penser que certains recourent parfois moins aux sources, ils se réfèrent à un ouvrage qui en fait la synthèse. La fréquentation du haut-de-jardin, en revanche, est stable. Pendant les vacances de Noël, nous avons enregistré des journées à plus de 3 000 visiteurs, ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps. Les travaux récents, avec le réaménagement de l’accueil et la création de places assises informelles font de la BNF un endroit de plus en plus ouvert au grand public. L’offre est là, à nous de faire le travail de communication nécessaire pour que la BNF ne soit plus perçue comme uniquement une bibliothèque de recherche.

Je pense qu’il faut aller de plus en plus vers des logiques de publics en offrant des services dédiés à chaque catégorie d’usagers. Il faut penser de nouvelles formes d’accès à la culture. Organiser des performances d’artistes, des installations. Pendant notre week-end portes ouvertes de décembre, on a vu Fabrice Luchini tenir en haleine 400 personnes en récitant Le bateau ivre. Le public est demandeur d’expériences et d’émotion. Aux chercheurs, nous proposons un service d’accompagnement à la recherche documentaire sur Internet. Nous avons répondu à leur demande de places assises informelles. De même qu’à leur souhait de pouvoir consulter nos ressources numériques disponibles uniquement intra-muros, pour des questions de droit, depuis leur propre ordinateur sans être obligés de passer par ceux de la bibliothèque. Nous réfléchissons à une nouvelle politique tarifaire et à la création d’une nocturne jusqu’à 22 heures, par exemple le mardi quand la BPI est fermée, mais c’est encore en discussion. Nous allons également développer notre offre d’activités artistiques et culturelles pour les écoles. Nous participons déjà à une plateforme de ressources de l’Education nationale sur le sujet.

Ils sont nombreux. Comment faire pour que la bibliothèque François-Mitterrand reste un bâtiment attractif et vivant ? La bibliothèque va devenir de plus en plus numérique. L’offre sur place ne doit pas dupliquer ce que l’on trouve en ligne mais apporter un large panel de services, dans le domaine culturel mais aussi au-delà. Nous pourrions par exemple libérer des espaces qui seraient dédiés à des activités d’enseignement ou de recherche. Nous venons de lancer le chantier "Bibliothèque 2025" où nous réfléchissons, en interne mais également avec des partenaires étrangers, à ce que seront les usages d’une bibliothèque nationale dans dix ans.
La question du stockage des documents est aussi très importante. Dans les cinq ans à venir, nous allons atteindre la limite des capacités du site François-Mitterrand, comme c’était prévu. Il nous faut un nouveau site de stockage avant dix ans. Je voudrais signaler également la démarche de responsabilité sociale et environnementale que nous avons entamée, ce qui est assez rare pour un service public. Nous allons mettre en place des préconisations sur différents sujets tels quel le handicap, la place des femmes dans l’institution, introduire une approche plus responsable en interne et dans nos relations avec nos partenaires extérieurs.

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