29 octobre > Roman Etats-Unis

Il est des auteurs qui surgissent des limbes pour nous éblouir. Alfred Hayes voit le jour à Londres, en 1911, mais il grandit aux Etats-Unis. Enrôlé par les services spéciaux de l’armée américaine lors de la Seconde Guerre mondiale, il multiplie les vies et les talents. Il s’impose discrètement comme journaliste, poète, romancier, dramaturge et cinéaste, auprès de Vittorio De Sica, Rossellini, Fellini, Fritz Lang ou John Huston. Lorsque Joan Baez entonne ses vers, il frôle la gloire. Cet homme de l’ombre, "sombre, dantéen et spirituel", écrit aussi sept livres publiés entre 1946 et 1973. En 2011, Stock a présenté In love, qui déclinait les affres de l’amour et les balafres du désenchantement. Voici, roman étincelant, Une jolie fille comme ça, dont Agnès Desarthe signe la traduction pour Gallimard. Direction Hollywood, miroir aux alouettes, où règne la quête de la célébrité à tout prix, quitte à en être prisonnier. Par une soirée trop arrosée, un homme est confronté à un tableau inédit. Une jeune femme s’enfonce dans la mer, un verre de Martini à la main. "En lui sauvant la vie, j’avais accompli un acte intime." Ce pacte secret ne peut que sceller leur destin. Lui est un scénariste, plombé par l’ennui ; elle une actrice qui ne cesse de se briser les ailes. Alors qu’elle rêve de devenir "une fille neuve, une fille inattendue", ses démons l’assaillent. Cette jolie brindille "avait introduit le vocabulaire de la folie" chez le narrateur, qui ne cache pas sa fascination. Malgré leur relation, la houle des tourments emporte ces deux êtres perdus. Hayes compose une mélodie douce-amère, teintée d’ironie, de poésie et de mélancolie, dont les personnages déroutants de sincérité, reflètent si bien "l’abîme de nos propres inaptitudes, la vérité avec tous ses rebords sales". Et elle est servie par une plume sublime. K. E.

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