J’apprends dans Livres Hebdo que les éditeurs scolaires, tout en discutant certains points, approuvent le principe de l’étude sur le thème « La place des stéréotypes et des discriminations dans les manuels scolaires » réalisée à l’initiative de la Halde (haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité). Eh bien moi, je les trouve gentils, et même beaucoup trop gentils, de ne pas l’avoir envoyée sur les roses, la Halde, avec toute sa clique de chercheurs de poux. Les professeurs, qui ont déjà sur le dos les parents d’élèves, les associatifs mémoriels autoproclamés et les députés en mal de réclame, auront-ils encore le droit d’enseigner (et à l’occasion, d’écrire des manuels scolaires) sans se taper en plus cette Guépéou au petit pied ? En tout cas, je leur donne un conseil amical : quand ils aborderont le chapitre historique de l’Inquisition, qu’ils veillent à ne pas donner une trop mauvaise image de la Halde. Il faut lire et relire à voix haute ces productions de cervelles aussi pédantes que maniaques : « En transmettant des savoirs, les manuels scolaires proposent des représentations de la société. Ils peuvent véhiculer des représentations stéréotypées qui peuvent être à l’origine de discriminations. » Ah, l’admirable « peuvent » à double détente, et préventif, comme dans Minority Report  ! Il faut avoir le courage de feuilleter les quelque deux cents pages du rapport pour savoir jusqu’où peut aller la frénésie obsessionnelle d’une logique devenue complètement folle. Il faut lire cette prose ubuesque et ces chiffrages cabalistiques : « Les manuels seraient significativement plus intégrationnistes envers les femmes qu’envers les seniors (t(93) = 2,484 ; p  » Il faut les voir compter le nombre de petits garçons et de petites filles dans les énoncés des problèmes d’arithmétique : « Cassandre a acheté 1,950kg de figues … Thierry a acheté 1,480kg de navets … Marion a acheté 1,280kg de cèpes … Mario a acheté 2,350kg de girolles … Juliette a acheté 480g de cerises … Trois amis, Wilfried, Thérèse et Géraud ont ramassé des champignons … » Il faut les voir traquer l’homophobie latente des manuels : «  Dans le manuel d’anglais de seconde professionnelle et terminale BEP, on peut voir le dessin d’un jeune homme couché en train de rêver à son avenir (…) on constate qu’il aspire au mariage avec une femme et à une famille hétéroparentale. » Horreur ! Il veut se marier avec une femme ! «  Une autre illustration issue du manuel d’anglais 6e représente un petit garçon, “Ben”, qui n’aime ni la peinture violette, ni les fruits, mais aime une petite fille blonde. » Petit malheureux ! « En demandant aux enseignants d’estimer la fréquence d’apparition des personnes homosexuelles dans les manuels qu’ils utilisent, on obtient une moyenne de 1,6 (…) A contrario, les représentations de l’hétérosexualité ne manquent pas : ainsi on ne dénombre pas moins, par le biais de l’analyse experte, de 134 couples hétérosexuels dont 55 familles hétéroparentales. » Abomination ! Y a un papa et une maman ! Mais on n’en finirait pas d’énoncer les forfaits de ces criminels en puissance que sont les auteurs de manuels. Une photo de la Gay Pride montre un camion publicitaire, et non pas le sens revendicatif de la manifestation ! Tel autre bouquin ne parle que des femmes célèbres « classiques », genre Colette ou Marie Curie, mais pas un mot sur Poupette Mouillepied, suffragette de 1908 ! Et les vieux ! Parlons-en ! « Les seniors sont souvent associés à des représentations liées à la maladie et à la dégénérescence du corps. » Des seniors qui sont vieux ! A-t-on idée ! Les immigrés ? « Les personnes d’origine étrangère représentées sont montrées le plus souvent dans des situations dévalorisantes et/ou de pauvreté. » Scandaleux ! On ne doit montrer que des immigrés merveilleusement intégrés et prospères ! Comble de malséance : les manuels de géo ou d’économie ont le toupet de révéler qu’il y a de la misère en Afrique ! (En revanche, nos cafards préventifs ont apprécié la photo d’un berger masaï muni d’un téléphone mobile. Ça, ça les a fait planer, je ne sais pas pourquoi.) Mais venons-en à l’essentiel. Qui n’est pas là. La Halde, après tout, ne cessera jamais d’en découvrir, des stéréotypes, des discriminations et, par voie de conséquence, des gens à emmerder : tout simplement parce qu’elle est programmée pour ça comme l’âne pour braire ! Comptons sur les Aliborons qui bouffent ce foin-là pour justifier leurs émoluments. Ce qui est (ou serait) grave, c’est que les éditeurs et les auteurs ne défendent pas hautement leur indépendance et leur dignité. Hou hou ! Y a quelqu’un ?
15.10 2013

Les dernières
actualités