Livres Hebdo : Vous clôturez, avec l'inauguration d'un café ce 15 mai 2024, plusieurs mois de travaux au sein de votre librairie de la rue de Mézières, dans le 6e arrondissement de Paris. Quels sont les principaux changements ?
Thomas Jobbé-Duval : Commencés à l'été 2023, les travaux ont consisté, dans une première phase, à revoir le mobilier de la grande salle sous verrière et de l'entrée principale, en passant d'un mobilier métallique assez sombre à un mobilier entièrement en bois, très clair. L'aile générale a ensuite été refaite sur ce même principe, avec un effort particulier sur l'espace jeunesse, et la réouverture de vitrines qui étaient fermées. Cet apport de lumière directe change complètement la perception du lieu ! La dernière phase portait sur l'installation d'un comptoir de café à l'entrée de la librairie, qui mène à une salle d'une vingtaine de places.
Comment la clientèle habituelle a-t-elle accueilli ces transformations ?
Il y a une forme de fierté, avec cette idée que, si la librairie se rénove, c'est aussi que leurs orientations en termes de lecture et de pratique religieuse sont dans une dynamique de renouveau.
Les derniers travaux d'ampleur remontaient à 2003. Quels sont vos objectifs avec cette rénovation complète ?
Il s'agit de rendre justice à la modernisation de l'enseigne, initiée il y a quelques années. Souvent décrits comme une librairie religieuse, nous sommes avant tout une librairie généraliste avec une spécialité en sciences humaines, qui se complète par une spécialité très forte en religion. Ce positionnement nécessite qu'on soit dans une ambiance de visite moderne. Par ailleurs, le café est une façon d'insuffler une atmosphère spécifique à l'aile générale, et ainsi de replacer La Procure dans le paysage des librairies parisiennes, et pas seulement religieuses. Enfin, nous souhaitons créer une visibilité commerciale particulière depuis la place Saint-Sulpice qui est très fréquentée. Un effort qui sera accentué à terme avec l'ajout de chaises et de tables en extérieur.
Quand vous reprenez la direction générale de l'enseigne en octobre 2021, vous arrivez avec votre expérience du luxe et de la stratégie de marque. Aujourd'hui, quels sont vos grands axes de travail sur la marque La Procure ?
Nous travaillons sur une empreinte commerciale et marketing qui s'étend au-delà d'une clientèle chrétienne pratiquante. Nous devons absolument cibler une population lectrice plus large. Dans cet esprit, nous avons mis en place une nouvelle signature de marque qui se décline sur nos sacs, marque-pages, vidéos… « La Procure : donner à penser grandir croire débattre s'évader », etc. Dans une société où les identités et les communautarismes s'affirment de plus en plus, nous avons vocation à donner des éléments de réflexion sur les enjeux contemporains et les débats de société.
L'idée est-elle de maintenir un équilibre entre littérature religieuse et généraliste ?
La tendance longue est plutôt à un équilibrage du chiffre d'affaires en faveur de la librairie générale mais on observe aussi un intérêt renouvelé, depuis quelques courtes années, sur les sujets de sens, y compris religieux. Je suis d'ailleurs frappé par l'arrivée de jeunes gens qui s'engagent dans une démarche de découverte ou de conversion. Le nombre d’adultes demandant le baptême a fortement augmenté en France, il y a aussi des conversions en nombre dans l'Église orthodoxe… Forcément, on retrouve en librairie cette nouvelle clientèle.
« Les librairies qui ne font que du religieux sont plutôt en décroissance »
Comment se porte le réseau des 23 librairies indépendantes franchisées réparties sur toute la France métropolitaine, mais aussi en Martinique, en Belgique, en Suisse et au Liban ?
Les plus porteuses font le pari de la littérature générale, des sciences humaines, de l'histoire. C'est un facteur de croissance. Celles qui ne font que du religieux sont plutôt en décroissance. Elles représentent au total entre 7,5 et 8 millions de chiffre d'affaires.
Et pour les sept librairies que La Procure détient en propre ?
Le chiffre d'affaires global, de 14 millions d'euros, est en hausse continue depuis cinq ans, et nous avons largement dépassé nos chiffres de 2019. C'est l'effet du marché mais aussi de déménagements très importants : à Versailles en 2019, et à Lyon, quand nous sommes arrivés place Bellecour en 2021. À noter que la vente en ligne représente 12 % du chiffre d'affaires, en progression très forte, avec environ 60 % de livres religieux sur l'ensemble des ouvrages vendus via notre site marchand. Cela montre que nous sommes une marque connue bien au-delà des villes où nous avons une présence physique.