14 SEPTEMBRE - BIOGRAPHIE France

Ecrivain-voyageur et aventurier lui-même, Olivier Weber, prix Albert-Londres, s'intéresse cette fois à Joseph Conrad, avec qui il "règle [sa] dette", dans un petit livre subtil qu'il appelle "une promenade littéraire pour rendre hommage" à son héros. Weber n'a point souhaité ajouter une biographie de Conrad - il en existe en particulier une, exhaustive, de Zdzislaw Nadjer -, bien que Le voyageur de l'inquiétude rende compte de toutes les grandes étapes de la vie de Jozef Teodor Konrad Korzeniowski. De 1857, sa naissance en Ukraine, dans une famille polonaise exilée pour cause de nationalisme anti-russe, jusqu'à sa mort, en 1924, en Angleterre, le pays qu'il s'était choisi. Parce qu'il voulait être marin - il le fut durant vingt ans, de 1874 à 1894 -, et que les Anglais ont la mer dans le sang, la navigation dans leurs gènes. Mais aussi, pour une raison plus étonnante, plus profonde, presque romanesque.

Lorsqu'il jette sac à terre définitivement, en 1894, Conrad a déjà commencé à écrire, avec des difficultés infinies, ce qui sera son premier roman, La folie Almayer. C'est ce "manuscrit errant" dont il parle à de nombreuses reprises, trimballé avec lui durant cinq ans et qu'il parviendra à faire publier en 1895. Mais, dans quelle langue écrite ce polyglotte déraciné, qui avait choisi de s'appeler Joseph Conrad, devait-il s'exprimer ?

C'aurait pu être le français, qu'il parlait parfaitement, puisque, débarqué d'abord à Marseille, il séjourna dans notre pays plusieurs années. C'aurait pu être le polonais, mais ses liens avec son pays d'origine lui étaient trop douloureux. Ce sera donc l'anglais, qu'il apprend seul - assez mal, semble-t-il -, et qu'il écrira à sa façon, se forgeant en fait une langue à lui à partir de la matrice anglaise. Comme Nabokov, et quelques autres. Et non sans souffrances et tourments. Bien plus qu'un bourlingueur, Olivier Weber montre que Conrad était un atrabilaire, un mélancolique parfois suicidaire, accablé par la condition humaine. Et que ses livres sont plus des récits métaphysiques que des romans d'aventures. Il faut relire Conrad sous cet angle, plus sombre.

La France, quant à elle, n'a pas su retenir cet écrivain de génie, qu'elle découvre cependant et célèbre assez tôt : grâce à Larbaud et à Gide surtout, traducteur en personne de Typhon (paru en 1918), Conrad fut adoubé par la prestigieuse NRF et publié chez Gallimard. Il est même aujourd'hui dans la "Pléiade". Ses mânes doivent être, enfin, apaisés.

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