24 août > Premier roman France > Jean-Christophe Brochier

Le drame de Jean-Christophe Brochier, c’est d’être né trop tard pour avoir "fait" Mai 68 et tenir jusqu’à aujourd’hui le haut du pavé. En 1960, on ne croyait déjà plus aux révolutions, le rock’n’roll avait déjà été inventé, et tout avait déjà été écrit. Sauf dans le domaine du "polar", peut-être, puisque son maître est Jean-François Vilar, un sacré bonhomme, trotskiste journaliste à Rouge, qu’il a rencontré, fréquenté, et publié bien plus tard. Sinon, Brochier avait tout à fait le profil du parfait gauchiste : fils de "bourges", père prof de fac, mère psy, élève à Janson-de-Sailly, études de philo…

Mais il a vite pris des chemins de traverse. Bassiste dans un groupe de rock underground, fou de littérature, mercenaire tout-terrain dans l’édition plutôt qu’enseignant, il a travaillé, en quinze ans, dans pas moins de 47 maisons. Hachette, Grasset, Dagorno (dont il s’est fait virer sèchement), Actes Sud où il a créé "Babel noir"… Aujourd’hui "embourgeoisé" et père de famille, il est éditeur au Seuil. Il a même voté pour Mitterrand en 1981, jurant que ce fut la première et la dernière fois. Et il n’a pas de mots trop durs aujourd’hui contre cette "fausse gauche", et notre "époque molle", "répugnante", standardisée, automatisée, décérébrée.

Pour raconter tout ça, Jean-Christophe Brochier a choisi une forme originale. Dans des chapitres portant tous le nom d’un morceau de rock (principalement des Stones, mais pas que), il croise deux genres de fragments : en caractère romain les éléments de son propre parcours, et en italique, comme une "éphéméride", un certain nombre d’événements historiques, politiques ou culturels qui l’ont marqué et composent son univers personnel, à gauche toute, voire anar. Ça commence avec l’entrée d’Ernesto "Che" Guevara à La Havane, le 1er janvier 1959 à l’aube, et s’achève sur la mort du peintre Gustave Courbet, "proudhonien, communard et libertaire". Un autoportrait ?

Cela nous vaut un livre atypique, réussi en dépit de quelques longueurs : avouons qu’on a zappé plusieurs notices consacrées à Bakounine, Kropotkine, Rosa Luxemburg, Hô Chi Minh et consorts. Ce que l’on préfère chez Brochier, c’est son style, son esprit, sa vaste culture, son histoire : il semble, d’ailleurs, si on l’a bien lu entre les lignes, maintenant qu’il est passé de l’autre côté du miroir littéraire, qu’il songe à nous livrer la suite. Au charbon, camarade. J.-C. P.

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