27 août > Document France

"Je t’ai vue et tu m’as bien plu." La phrase serait banale si elle ne provenait d’un oiseau posé à la fenêtre d’un appartement. Ainsi commence le témoignage d’Aimée F. Puis ces Voix se font plus intrusives, plus violentes. La prière, le prêtre, le mari, les amis n’y font rien. L’institutrice finit par consulter une psy en prenant soin de noter ce qui lui arrive dans un journal durant deux ans.

C’est ce texte que publient les éditions Payot, complété par l’analyse de la psychiatre et psychanalyste Nicole Anquetil qui a suivi cette femme au pseudonyme révélateur. On apprend en effet que cette dame, retraitée depuis douze ans, a été violée par son père de 3 à 6 ans. Elle n’a revu qu’une fois son bourreau, entre deux portes, à sa sortie de prison. Puis elle s’est construite, dans un couple un peu bancal, compensé par la solidité de l’Education nationale.

On pourra éprouver quelques longueurs et répétitions à la lecture de ce document saisissant. Mais c’est sur cette longueur que s’installe le délire d’Aimée F. Les oiseaux s’immiscent partout et la perturbent en permanence. Au marché, dans la salle de bains, dans le métro, quand elle veut envoyer un SMS, quand elle traverse la rue. Les "mauvais esprits" lisent dans sa pensée et la dénaturent. Elle cherche alors à décrypter symboliquement ce qu’elle vit, elle enquête sur Internet pour faire l’exégèse de ces "voix". La folie n’est pas loin. Mais elle n’est pas là. Nicole Anquetil parle à son propos d’une "clinique des voix" dans son commentaire très lacanien de ce cauchemar sans fin avec les boules Quies ("qui est-ce ?") et à grand renfort de "ça parle".

Pour autant, l’ouvrage pose la question de la psychose et des hallucinations. On peut mettre un diagnostic sur cette pathologie : psychose hallucinatoire chronique. On peut aussi la lire comme une expérience singulière, tout comme on regarde des œuvres d’art brut. Sans queue ni tête, un oiseau dans sa tête, Aimée F. nous ferait presque croire que nous vivons dans un monde où les objets parlent trop. Il n’y a qu’à voir tous ces oiseaux qui gazouillent et tweetent dans nos portables… L. L.

27.06 2014

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