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Une célébration de l’Internet movie database

Une célébration de l’Internet movie database

Créée en 1987 sur papier, la réussite de l'Internet movie database (IMDb) illustre l'histoire de l'informatique et celle du cinéma des trente dernières années. 

Selon les dernières statistiques publiées, l’Internet movie database, IMDb (avec un petit « b ») pour les intimes, recensait plus de 5,9 millions de films, 4 millions d’épisodes de séries télévisées, et la filmographie de plus de… 113 millions de personnes reliées, de près ou de loin, à l’industrie audiovisuelle et cinématographique – de l’auteur adapté à la dernière starlette en date.

Prodigieuse réussite pour une base de données créée sur papier en 1987, et dont l’évolution illustre tout à la fois l’histoire de l’informatique et celle du cinéma et des industries annexes sur ces trente dernières années.
 
C’est en effet en 1987 qu’un cinéphile anglais, Col Needham, poste sur Usenet — un réseau de forums pré-Internet — une liste, intitulée « Those eyes », d’actrices aux beaux yeux. D’autres cinéphiles, avec des hobbies proches, postent bientôt des listes comparables sur le même forum.

Partenariat avec Amazon

Le 17 octobre 1990, Col Needham, qui est informaticien en plus d’aimer le cinéma, place sur Usenet un embryon de logiciel qui permet aux membres du groupe de créer une base de données et d’y faire des recherches : IMDb, qui s’appelle alors rec.arts.movies, est né. Il recense environ 10 000 films. En 1993, Needham « migre » vers le web, et le nombre de contributeurs bénévoles s’accroit dans des proportions significatives. Il recrute des « data managers », payés par la publicité désormais présente. C’est en 1996 que l’Internet Movie Database Ltd voit le jour.
 
Le modèle économique reste fragile et, en 1998, après avoir cherché en vain des financements du côté de l’industrie cinématographique (qui doit aujourd’hui le regretter), Needham cède sa société à Jeff Bezos, déjà PDG d’Amazon, mais qui, à l’époque, ne vend « que » des livres et n’est pas encore le multimilliardaire possesseur d’un géant de l’Internet.

Alimenté par des bénévoles
 
Aujourd’hui, IMDb continue à être alimenté par des bénévoles, mais la société emploie entre 150 et 200 collaborateurs pour gérer ce « monstre » auquel le qualificatif de « big data » semble aller comme un gant. Et il faut reconnaître que le partenariat avec Amazon.com n’a pas dénaturé l’esprit d’origine, même si, bien sûr, des liens commerciaux avec ce partenaire (DVD, goodies,…) sont présents partout où cela est possible. De plus, IMDb a su diversifier ses sources de financement en lançant, entre autres, IMDbPro, qui offre comme son nom l’indique des services supplémentaires aux « professionnels de la profession », comme dit Jean-Luc Godard.
 
S’intéressant à son origine uniquement au cinéma, IMDb a progressivement recensé les jeux vidéo et, évidemment, les séries télévisées – qui, depuis 2006, sont traitées épisode par épisode. Dès lors, la notion de « movie » doit être relativisée, et IMDb peut être considéré comme une sorte de gigantesque tableau diachronique de l’évolution des médias audiovisuels, depuis La sortie de l’usine Lumière à Lyon (et même avant) jusqu’au dernier blockbuster.

Base de données complexe
 
Bien sûr, l’outil n’est pas exempt de défaut, au premier rang desquels, malgré son origine britannique[1], un américanocentrisme prononcé qui fait que, par exemple, le meilleur film de tous les temps plébiscité par les internautes est, depuis plusieurs années, The Shawshank Redemption (Les évadés, en français), une adaptation de Stephen King qui, de ce côté de l’Atlantique, n’est pas restée dans les mémoires.
 
Mais si IMDb est un outil exceptionnel, c’est surtout parce qu’il a su profiter à plein de la notion de lien qui, rappelons-le, est ontologique au web. On peut ainsi naviguer d’un film à la filmographie de son directeur de la photographie, de là à d’autres films, etc. Les possibilités de recherche sont très importantes, qui permettent ainsi à chacun et à chacune de savoir si son acteur et son actrice préférés ont joué ensemble, etc. Même si la taille et le détail des génériques varient grandement selon la date de sortie et l’origine géographique des films, on reste fasciné par la quantité incroyable d’informations proposées, qui incluent des résumés, des avis critiques, les dates de sortie, les recettes, etc.[2]
 
IMDb, et c’est une des raisons de son insolente réussite (250 millions de visiteurs uniques par mois) a su d'une part concilier les impératifs d’un financement pérenne d’une base de données complexe à gérer et le souci de préserver son autonomie, et d'autre part trouver un équilibre entre un outil contributif et une gestion centralisée, contrairement par exemple à Wikipedia. Il est dès lors facile de pardonner à son génial créateur, Col Needham, qui vit toujours à Bristol d’où il gère encore son (gros) bébé, le fait que ses cinq films préférés soient tous américains

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