En octobre 2016, 50 migrants venus d’Ethiopie arrivent à Aire-sur-l’Adour, après le démantèlement de la "jungle" de Calais où ils séjournaient. Dans cette petite ville des Landes d’un peu plus de 6 000 habitants, l’arrivée de ces réfugiés, tous des hommes jeunes ne parlant pas français et ne maîtrisant pas toujours l’anglais, suscite interrogation et même réticence de la part d’une partie de la population locale. Convaincue que "la connaissance de l’autre conditionne la rencontre et que les médiathèques sont des lieux privilégiés de partage et de sociabilité", comme l’explique Laurent Pagès, directeur des médiathèques communautaires d’Aire-sur-l’Adour, l’équipe de bibliothécaires décide de réaliser, avec les intéressés et différents partenaires tels que l’association d’accueil et d’intégration des réfugiés, des bénévoles et un volontaire effectuant son service civique, une exposition bilingue (français-anglais) pour présenter le peuple auquel appartiennent ces réfugiés, leur histoire, leur culture, leur territoire, ainsi que les circonstances dramatiques qui les ont conduits à l’exil. Ces migrants appartiennent en effet tous au peuple Oromo, le plus grand groupe ethnique de l’Afrique du Nord-Est, basé principalement en Ethiopie. A partir de 2014, le Master Plan d’Addis Abeba, décidé par le gouvernement éthiopien, conduit à la confiscation d’une grande partie des terres des Oromais, qui vivent principalement de l’agriculture, et à la naissance d’un mouvement de révolte émaillé d’affrontements et d’exodes.
Du 21 au 30 mars, l’exposition présentée à la médiathèque, accompagnée de rencontres et d’une conférence, permet de sensibiliser les habitants. L’exposition est ensuite présentée dans le lycée de la ville pour servir de support de médiation avec un groupe de parents d’élèves mécontents de voir ces "étrangers" fréquenter le lycée où ils suivent des cours de français.
"Ce projet est une aventure collective qui illustre la façon dont les médiathèques peuvent répondre, au-delà des enjeux de lecture publique, à des problématiques d’ordre politique et sociétal", estime Laurent Pagès.
Véronique Heurtematte