23 août > Roman France > Simon Liberati

"Ce monde a disparu, les lampes se sont éteintes. Le soir où j’ai écrit les premières pages de mon premier livre, je ne savais pas que j’allais restaurer cette enfance qui fut ce que j’ai connu de meilleur, ces amis, cette poésie dont personne ne parlait vraiment ou peu, mais constituait le fond commun, comme les livres que j’ai toujours vus partout chez chacun et qui s’obscurcissaient dans l’ombre […] Restent au seuil de ce passage mes parents, les lampes, les détails n’ont pas changé, et ce repère fixe, mon père."

C’est entendu, il n’est de littérature que de jeux de masques. En ce sens, Simon Liberati est le Fantômas de notre scène littéraire. Ici Jayne Mansfield ou Charles Manson, là nightclubber à la ramasse ou démiurge d’un jeu de poupées mortes, sans cesse chez lui le personnage se substitue en un geste sacrificiel à l’écrivain. C’est ce qui fait tout le prix de ce texte éblouissant, Les rameaux noirs, de n’être pas seulement un livre de plus de Liberati, mais celui vers lequel peut-être tend toute l’œuvre, où l’auteur se montre au plus près de sa vérité, de romancier, de lecteur et de fils donc.

Tout commence par la fin, par la visite d’un père égaré par l’âge à l’hôpital Cochin. Ce père qui fut proche à la fois des surréalistes et plus encore d’Aragon, et qui un jour substitua au mystère de la littérature celui, plus épais encore, de son silence et de son renoncement. Son fils (pas l’unique, puisqu’il y eut avant lui Alain, mort en 1958 à l’âge d’un an, perdu dans les limbes de la mémoire, notamment celle de son frère) doit faire avec cela. Ce sont les livres qui éclaireront son chemin buissonnier, ceux de Chénier, des grands latins à aujourd’hui ceux de Schuhl. Une chambre à soi qu’arpente Liberati en une "circumnavigation". Il s’agit là d’une appréhension sensible d’un monde à jamais flou, mouvant, comme seul le réel peut l’être. Liberati relit et écrit comme Fred Astaire dansait. On s’en convaincra en lisant aussi Les violettes de l’avenue Foch, qui paraît concomitamment, recueil de portraits de ses "usual suspects", d’Eva Ionesco à Colette, et de Jean-Pierre Léaud à Marisa Berenson. En attendant, ces Rameaux noirs sont à Liberati ce que fut à Barthes son Barthes par lui-même : une révélation. Olivier Mony

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