22 AOÛT - PREMIER ROMAN Italie

Si Proust vivait encore, peut-être écrirait-il Leçons de nu. Swann y aurait les traits d'un professeur toscan hantant les gymnases, Odette de Crécy ceux d'un culturiste italien volontiers versé dans la pornographie gay, la Belle Epoque serait désormais celle des années 1980, mais l'affirmation folle et vaine de la liberté individuelle prendrait les mêmes chemins du chagrin, du désir et de la mélancolie...

Reprenons. Il était une fois Walter Siti, un critique littéraire, né à Modène en 1947, dont la clairvoyance, l'autorité, son intimité féconde avec les textes, ses travaux sur Sandro Penna ou Montale, l'édition des oeuvres complètes de Pasolini établie sous sa direction, avaient érigé une image marmoréenne de primus inter pares des lettres italiennes. Or voilà qu'en 1994, à un âge où ce genre de facéties n'est plus de mise, Siti écrivit et publia un roman (huit autres ont suivi depuis). Leçons de nu narrait les aventures sexuelles, amoureuses, poétiques et politiques d'un professeur que fascine à l'infini le corps modelé des culturistes, et comment sur ses rivages trop fugacement heureux viennent s'échouer avec lui les rêves de sa génération. On cria alors beaucoup au scandale, un peu à l'imposture et parfois au génie. Dix-huit ans et une première traduction en français plus tard, soyons assurés que ce livre est en effet bel et bien scandaleux ; et qu'il l'est avec une élégance peu commune.

Polyphonique et kaléidoscopique, usant de la langue comme son narrateur use des corps, si ce livre est si monstrueusement beau, grâce doit en être également rendue à la traduction de Martine Segonds-Bauer. Ce fascinant objet littéraire non identifié est un hymne à la joie (et d'abord celle douloureuse de la perte), à la nuit et à la lumière, un chant lyrique et profane, un requiem pour la liberté enfuie où le désir est moins émancipateur qu'instrument de pouvoir. Est-ce ainsi que les hommes s'étreignent et puis s'éteignent ?

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