5 AVRIL - ROMAN Grande-Bretagne

Tom Sharpe- Photo LUIS MIGUEL PALOMARES/BELFOND

Bien mieux titré en français que son modèle d'origine (The Wilt inheritence), et traduit avec une virtuosité et un rythme endiablés, ce nouveau roman de Tom Sharpe narre le cinquième épisode des aventures désopilantes de son héros, Wilt ("Dégonflé"), aussi calamiteux qu'épatant. Rappelons, pour ceux à qui la série aurait échappé, que Wilt est un petit prof sans envergure dans une modeste université de province anglaise, affligé d'une épouse, Eva, un affreux dragon, et de quadruplettes déjantées, odieuses, incultes, mais douées pour susciter des catastrophes. A l'insu de son plein gré, il se fourre toujours dans des histoires plus ou moins scabreuses, échappant de justesse à l'inspecteur Flint, lequel, animé à son endroit des plus mauvaises intentions, ne désespère pas de le coincer un jour. Jusqu'à présent, Wilt, innocent par nature et par fonction, s'en est toujours sorti, même si les cadavres se multiplient dès qu'il se pointe quelque part.

Cette fois, Eva, afin de renflouer les finances du ménage, oblige Wilt à accepter de donner des cours particuliers d'histoire à Edward, fils chéri par Lady Clarissa Gadsley et beau-fils haï par son époux, Lord Gadsley, aussi richissime que sordidement avare et libidineux, en leur château de Fenland. Edward, surnommé Eddie et qui déteste ça, est une enclume absolue, un ado débile que n'anime dans la vie qu'une seule passion : zigouiller tout ce qui bouge. Il utilise pour cela tout instrument qui lui tombe sous la main, tels les précieux fusils de son beau-père. Le temps de remettre à niveau Eddie, Wilt s'installera donc au château pour les vacances, tandis que sa smala investira le cottage mis à disposition par ses employeurs. Ce qui permet, en fait, à Lady Clarissa, aussi alcoolo que nymphomane, de tenter de mettre le répétiteur dans son lit, supplément agréable à sa relation extraconjugale avec le jeune garagiste du village, lequel donne de toute façon quelques signes de lassitude. Mais Wilt est fidèle, Eva veille au grain et, de toute façon, deux macchabées vont bientôt tomber sur les bras de tout ce petit monde.

Sharpe, dont le nom, à une lettre près, signifie "affûté", "aiguisé" et lui va comme un kilt - bien qu'il soit briton et non écossais -, marie comme personne l'imagination la plus débridée, l'humour le plus vachard, le style le plus décalé, sans compter la vulgarité absolue de ses personnages, tous tarés, pervers, grossiers et abrutis. Sauf Wilt, bien sûr, pour qui l'on ne peut s'empêcher d'éprouver une grande tendresse, et que l'on plaint. Dans son rôle de bouc émissaire, il n'est pas sans rappeler le mythique Benjamin Malaussène de Daniel Pennac, mais en moins multiculturel. L'univers de Sharpe, c'est l'Angleterre profonde de Barnaby, des aristos dégénérés. Et des petits meurtres entre amis.

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