BRUXELLES

Auteurs : Droits devant !

Auteurs : Droits devant !

Les auteurs de tout poil ont défendu à Bruxelles, au World Copyright Summit, la création de valeur dans l'univers numérique. Le monde du livre y est apparu plutôt plus harmonieux que celui de la musique ou de l'audiovisuel.

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Par Hervé Hugueny
avec Créé le 31.05.2016 à 18h30

Arnaud Nourry, P-DG d'Hachette Livre.- Photo HERVÉ HUGUENY

C'est à Bruxelles qu'une fâcherie franco-française pourrait avoir trouvé un début de résolution : les droits numériques devraient "être discutés sur la base de conditions équilibrées pour les deux côtés et ne pas diminuer la rémunération des auteurs", a déclaré Arnaud Nourry, P-DG du groupe Hachette, au Sommet mondial du droit d'auteur, où il était invité, et qui se tenait cette semaine au siège de l'Union européenne. Ce dont s'est félicité Jean-Claude Bologne, président de la Société des gens de lettres (SGDL) : assurer dans le numérique une recette équivalente à celle de l'exploitation du livre papier serait un élément important pour arriver à un accord, a-t-il glissé lors d'une table ronde qui a suivi. En mars, à la veille du Salon du livre, la SGDL avait tiré un constat d'échec d'un semestre de discussions avec le Syndicat national de l'édition à propos des droits numériques.

Centré sur la musique et l'audiovisuel

Table ronde « De Gutenberg à l'ebook. L'économie changeante de l'écrit », avec Jean-Claude Bologne, président de la SGDL (2e à gauche).- Photo HERVÉ HUGUENY

Mais s'il faut d'autres sommets de ce genre pour avancer en France sur ce sujet, le dossier progressera à pas comptés : la Confédération internationale des sociétés d'auteurs et compositeurs (Cisac) en organise un tous les deux ans, et donne une large part dans son programme à la musique et à l'audiovisuel. Ces deux secteurs se caractérisent en effet par une importante gestion collective des droits par des sociétés d'auteurs, qui sont cependant de plus en plus contestées par les nouveaux intervenants du numérique. Ces sociétés ont donc besoin de renfort dans les mutations qui bouleversent leur économie depuis quelques années. Et l'univers du livre, dont la production de droits reste pour l'essentiel dans le cadre du contrat entre l'auteur et son éditeur, se trouve aussi de plus en plus concerné par ce type de gestion. Auteurs et éditeurs ont également intérêt à se trouver au plus près des négociations et du lobbying qui entourent les projets de révision du copyright préparés par la Commission européenne, dans le cadre d'un futur marché unique numérique.

Tension

La manifestation était d'ailleurs encadrée par deux commissaires européens : Nicole Kroes, vice-présidente de la Commission, chargée de l'agenda numérique, a ouvert les débats en rappelant la nécessité de créer ce cadre unique qui favoriserait l'économie de la culture dans l'ère numérique ; et Michel Barnier, commissaire chargé du marché intérieur, devait intervenir en clôture du sommet (après notre bouclage). Cette attention soutenue est le signe d'une certaine tension sur le sujet dans les instances européennes, que les professionnels concernés utilisent, voire entretiennent. Olivier Bomsel, directeur de la chaire d'économie des médias et des marques à ParisTech, a ainsi expliqué qu'un marché unique des droits, tel qu'il émerge via des accords de licence supranationaux, serait contre-productif dans l'économie de la création en raison de la diversité linguistique qui caractérise l'Europe.

Les représentants des diverses sociétés d'auteur sont aussi invoqué cette diversité culturelle pour défendre leurs organisations, qui reposent sur des monopoles nationaux que la Commission remet en cause. Ils ont aussi rappelé que la culture, c'est du sérieux : au milieu de la crise financière de 2009, le secteur a continué à embaucher, et a bien mieux résisté que l'industrie, a rappelé Philippe Kern, consultant spécialisé dans l'économie du secteur. Tous se sont entendus pour estimer que les fournisseurs d'accès à Internet (FAI), grands profiteurs des contenus culturels dont ils facilitent la diffusion piratée, devraient être enfin mis à contribution, ainsi que l'a brillamment démontré David Touve, jeune professeur d'économie. Ces FAI et autres groupes internationaux de télécoms militent en effet pour ces licences globales qui inquiètent les producteurs de musique et d'audiovisuel, et profiteraient aussi aux géants américains des nouvelles technologies : Amazon, Apple et autres Google - ce dernier étant sponsor du sommet, qu'il a soutenu financièrement.

Au milieu de ce champ de tensions, la chaîne du livre telle que décrite par Arnaud Nourry apparaît presque comme un havre de paix. La menace de la captation de valeur dans le numérique étant contenue par le contrat d'agence, qui n'a nullement entravé le développement du marché, l'éditeur peut continuer de faire son métier : tout simplement financer et organiser la création, a rappelé le P-DG d' Hachette Livre.

31.05 2016

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