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La députée écologiste Isabelle Attard a tenté à nouveau, fin janvier, de faire revenir la France à un retour au domaine public. Elle a notamment rappelé que les durées de protection, qui rendent le domaine public lointain, sont de plus en plus longues.
 
Rappelons notamment que  la France est en train de transposer un directive communautaire en date du 27 septembre 2011, qui allonge la durée des droits voisins (en faveur des artistes-interprètes) de cinquante à soixante-dix ans.

Cette remise en cause fait écho au discours de la députée européenne Julia Reda, élue sous la bannière du Parti pirate. Elle a émis l’hypothèse que la durée des droits patrimoniaux soit  limitée à une cinquantaine d’années.

En théorie, les droits d’auteur – en tout cas les droits patrimoniaux - sont limités dans le temps. Chacun peut donc exploiter librement les œuvres « anciennes», piocher dans un grand patrimoine culturel commun, sans solliciter d'autorisation et, a fortiori, sans verser de rémunération. Mais un rapide examen de la situation, atteste que l’horizon du « domaine public », cher aux pères fondateurs des lois sur la propriété intellectuelle, s’éloigne de plus en plus, au fur et à mesure de l’allongement par le législateur des durées de protection.

Cette durée était il y a encore une vingtaine d’années jusqu’à cinquante ans après la mort de l’auteur. Or, au cours des années 90, les pays de l’Union européenne ont, les uns après les autres, porté la protection jusqu’à soixante-dix ans après le décès du créateur, dans le souci supposé d’harmoniser les législations et de prendre en compte l’allongement de la durée de vie des héritiers. La France s’est conformée à cette initiative communautaire par une loi du 27 mars 1997. Les Etats-Unis eux-mêmes se sont alignés, début 1999, sur ce nouveau régime et protègent les œuvres pendant soixante-dix post mortem auctoris.

Mais la France s’est avérée être la plus zélée, puisque, faute de précision dans la loi de 1997, les observateurs les plus qualifiés se sont interrogés, en saisissant la justice à plusieurs reprises, sur le maintien des prorogations exceptionnelles de protection. Il en existe en effet des cas particuliers, liés aux morts pour la France (30 ans de « rab ») ou aux années de guerre (14 ans en sus, si l’œuvre a traversé les deux conflits mondiaux).

L’harmonisation a rendu les calculs de durée des droits plus compliqués et hasardeux que jamais, la seule certitude étant que le domaine public est plus loin que jamais.

À telle enseigne d’ailleurs, qu’en Allemagne, un courant doctrinal, né au début des années soixante, a remis au goût du jour, en 1998, sa proposition de domaine public payant. La communauté des auteurs vivants bénéficierait ainsi d’une sorte de taxe perçue sur les dernières œuvres du domaine public…

Le problème n’est pas si simple. Car il faut aussi tenir compte des droits moraux, (en particulier le droit au respect de l’œuvre, qui permet, par exemple, de s’opposer à toute modification d’un texte). Ils ont l’immense avantage d’être incessibles. Cela signifie qu’ils restent donc dans les mains des héritiers, et ne sont jamais cédés aux éditeurs. Et surtout, au contraire des droits patrimoniaux, ils ne tombent jamais dans le domaine public, la loi les désignant comme perpétuels.

C’est ainsi que certaines familles organisées, dont un aïeul a eu le bon goût de créer, au milieu du XIXème siècle, une œuvre toujours prescrite par palettes complètes aux lycéens à chaque rentrée scolaire, usent et abusent de leur pouvoir. Certes, et c’est bien dommage, arrière-grand-papa est tombé depuis peu dans le domaine public et ne rapporte plus de droits d’auteur, mais il reste encore possible de négocier financièrement la capacité de nuisance que représente le droit moral.

Tout cela mérite sans doute d’être repensé, en n’oubliant jamais que le droit à la culture doit cohabiter avec un droit de la culture, qui impose de considérer les droits d’auteur comme le salaire des créateurs, ceux-là mêmes qui viennent de manifester à Angoulême contre la paupérisation de leur statut.
 

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