Polémique

Par un hasard du calendrier éditorial, avant de nombreux autres livres prévus pour commémorer le 7 janvier, Denis Robert (le 5 novembre) et Philippe Val (le 12), tout en expliquant qu’ils sont passés à autre chose, publient chacun un récit sur Charlie Hebdo.

Mohicans, de Denis Robert, est un projet, d’après son éditeur Bernard Barrault, directeur de Julliard, remontant à trois ans, lorsque le journaliste travaillait à son documentaire Cavanna, même pas mort, diffusé en avril, "et dont Charlie n’a pas parlé", fait-il remarquer. "L’abomination de janvier 2015" en a évidemment repoussé la publication, devenue aujourd’hui nécessaire, "utile", explique l’éditeur. "Tous ces gens qui, dans la rue, étaient Charlie, connaissent-ils vraiment l’histoire du journal, le côté exemplaire de cette aventure ? Il fallait la leur raconter." C’est ce que fait Robert dans son livre très documenté, riche en témoignages, mais non exempt de passion, et donc de pages polémiques. Les Mohicans, ce sont Cavanna et Choron, les deux créateurs historiques du journal, en 1970, sur les cendres encore tièdes du "bête et méchant"Hara-Kiri Hebdo. Selon lui, Val et Cabu se sont livrés, au fil des années, non seulement à une juteuse captation d’héritage, mais aussi à un détournement du projet initial : Cavanna voulait faire "un journal qui se fout de tout", qui rit de tout, comme Desproges ou Coluche. Ce qui est loin d’être la conception de Philippe Val, lequel a fait de Charlie quelque chose de beaucoup plus professionnel, sérieux, idéologiquement "bien-pensant". Et qui, avant le drame, ne vendait plus guère, chaque semaine, que 50 000 exemplaires environ, abonnés compris.

Philippe Val.- Photo J.-F. PAGA / GRASSET

Les comptes ne sont pas réglés

Chez Grasset, Christophe Bataille, l’éditeur de Philippe Val, raconte que C’était Charlie est né en quelques mois, en réaction aux attentats : "L’auteur avait envie de revenir sur cette histoire, sur ces gens qu’il a aimés. Ce qui me frappe, dans ce livre, c’est sa grande douceur." Sauf vis-à-vis de quelques-uns, dont Denis Robert, à qui il reproche d’avoir convaincu, lorsqu’il travaillait à Libération, Marguerite Duras d’intervenir dans l’affaire du petit Grégory : "journaliste à thèse", "justicier", Robert ne travaillera jamais à Charlie"Je peux penser […] que Malka ou Val sont des salauds. Eux peuvent penser la même chose de moi. Peu importe. Je raconte une histoire en essayant d’être juste", écrit Robert de son côté. Visiblement, les comptes ne sont pas réglés. Des débats houleux se préparent. D’où des premiers tirages importants : 12 000 exemplaires pour le livre de Denis Robert, 18 000 pour celui de Philippe Val.

Pour prendre de la distance, on lira en janvier, entre autres, Ce que ditCharlie: treize leçons d’histoire de Pascal Ory (Gallimard), ou Terreur sur l’Hexagone de Gilles Kepel (Gallimard). Côté émotion, on lira le témoignage de Maryse Wolinski, veuve du dessinateur, Chérie, je vais à Charlie (Seuil).

Denis Robert, Mohicans, Julliard, ISBN : 978-2-260-02901-4, 19,50 euros, sortie : 5 novembre. Philippe Val, C’était Charlie, Grasset, ISBN : 978-2-246-86074-7, 18 euros, sortie : 12 novembre.

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