5 janvier > Histoire France > Grégor Mathias

Pour Gregor Mathias, aucune opération du type attentat suicide n’a eu lieu durant la guerre d’Algérie. En revanche, il y eut bien entre 1954 et 1962 des mitraillages ciblés sur les harkis, les militaires et les policiers français. Dans un travail passionnant tiré de sa thèse soutenue en 2013, l’historien fait le point sur un sujet peu exploré qui prend une résonance particulière au moment où l’on commémore les massacres de 2015 commis par Daech.

Bien sûr, les contextes sont très différents. D’un côté une guerre d’indépendance, de l’autre une volonté de détruire et de soumettre par la peur. Mais il est intéressant de noter que les échecs sur le terrain du FLN (Front de libération nationale) et de son bras armé l’ALN (Armée de libération nationale) ont renforcé les attaques en métropole contre les personnalités musulmanes francophiles. L’installation de ce climat d’insécurité avait aussi pour but d’alléger le dispositif de guerre pesant sur l’Algérie. Elle illustre enfin la lutte entre le FLN et le MNA (Mouvement national algérien) pour le contrôle des travailleurs algériens en métropole et le financement de l’ALN à travers l’impôt révolutionnaire.

Dans cette étude un peu austère dans sa forme qui s’appuie sur plusieurs fonds d’archives et des entretiens, Gregor Mathias donne de nombreux éléments de compréhension sur cette concordance des temps. On voit bien comment le FLN a instrumentalisé le Coran quand cela lui était utile et comment il s’est défendu de tout combat religieux lorsqu’il lui fallait l’appui politique et financier des intellectuels.

Les autorités françaises ont répondu à cette stratégie de terreur en créant des unités spéciales chargées de démanteler ces réseaux. Ce furent les SAS (sections administratives spécialisées) et les SAU (sections administratives urbaines) en Algérie, et les SAT (services d’assistance technique) à Paris, Lyon et Marseille qui vinrent épauler les forces de police avec des supplétifs pour contrôler l’immigration algérienne.

A travers ces nombreux éléments dont le point d’orgue fut la manifestation du 17 octobre 1961 réprimée avec la dernière violence par la police parisienne aux ordres de Maurice Papon, Gregor Mathias explique que ces structures, plus ou moins contrôlées par le contre-espionnage, ont permis au pouvoir gaulliste d’accélérer les accords d’Evian, d’infiltrer les réseaux et d’endiguer la spirale de la violence. L. L.

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