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Dessine-moi une Bible

"Babel ou le récit d’une folie totalitaire", cinquième titre de ces récits fondateurs. - Photo Serge Bloch/Bayard

Dessine-moi une Bible

A partir d’un texte de Frédéric Boyer, illustré par Serge Bloch, Bayard a conçu autour de la Bible un projet multimédia global : série animée, livre en librairie le 29 septembre, exposition au Centquatre, nuit de la Bible, chaîne YouTube.

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Par Claude Combet
Créé le 16.09.2016 à 01h30 ,
Mis à jour le 16.09.2016 à 11h04

Au commencement était la série. La Bible de Frédéric Boyer, texte illustré par Serge Bloch, est l’un de ces gros chantiers multimédias de Bayard lancés par sa filiale BJA (Bayard Jeunesse Animation), coproduite avec La Fabrique des images (1). Le projet est ambitieux : outre une série animée pour la télévision qui sera achevée en novembre, sont prévus un livre publié le 29 septembre en sortie mondiale, une exposition au Centquatre à Paris, une nuit de la Bible, un colloque et d’autres événements.

"Ils se fuyaient les uns les autres mais à présent, étrangers comme gens du pays, gens de passage comme habitants de Sodome, tous sur les routes fuient la catastrophe."La conclusion de "Sodome ou l’inhospitalité foudroyée". - Photo SERGE BLOCH/BAYARD

S’attaquer, dans une démarche de vulgarisation, à un tel monument de la culture religieuse est un vrai défi, et les contraintes étaient importantes. "L’ensemble devait traverser tout l’Ancien Testament, ce qui est énorme, à l’aide de films très courts de quatre minutes chacun", explique Frédéric Boyer, qui estime que le "passage par le scénario a beaucoup aidé". Ce traducteur de saint Augustin et de Shakespeare a dû "inventer une écriture de la concision et de l’évocation", tout en ayant à cœur de s’adresser à un public contemporain.

Le résultat relève de l’exercice oulipien. Pour composer ce qui fut d’abord un énorme synopsis, Frédéric Boyer a réussi le tour de force de résumer en quelques phrases les épisodes les plus représentatifs de l’Ancien Testament ou des commentaires, comme le Déluge, Jonas, Salomon ou David, "en s’attachant aux nœuds principaux de l’histoire sans faire un best of". Il en a fait un "livre de l’exil", qui commence par la Genèse et se termine avec le livre de Daniel sur le retour à Jérusalem, et qui, ajoute-t-il, "finit mal dans l’éclatement des communautés et l’espérance de la première écriture, l’histoire d’un peuple banni qui construit sa mémoire en se donnant des mythes fondateurs". Pour le Cantique des Cantiques qui ne se "représente" pas, contrairement aux grands mythes comme la tour de Babel, il a choisi la forme d’une pièce de théâtre, car "c’est un drame, depuis le premier commentaire juif jusqu’à Claudel". Pouvant surprendre le lecteur, l’arche de Noé est dessinée sous la forme d’un coffre, correspondant à la traduction du mot en hébreu, "loin des clichés habituels". "La Bible n’existe que pour être racontée. Je me suis inspiré de la tradition, c’est parfois enfantin, naïf mais aussi violent et sanglant", commente-t-il.

Roman graphique

La tâche de l’illustrateur Serge Bloch n’en était pas moins ardue. Il a d’abord réalisé 2 000 images pour le dessin animé, sorte de "matrice du livre", qui se présente comme un véritable roman graphique. "Il y a un rapport très serré entre le texte et l’image comme pour la BD ou un album jeunesse", explique-t-il, tout en avouant ne pas "connaître toutes ces histoires". "Le peu que je savais remonte à mon enfance de petit juif de Colmar, et aux coloriages que le rabbin nous amenait", précise-t-il. Pour le père de SamSam (Bayard) et de la série Max et Lili (Calligram), le projet n’était pas religieux mais culturel, "comme les textes d’Homère si tu es grec"."La Bible est très imagée avec toutes sortes d’écritures, parfois c’est poétique, d’autres fois c’est un péplum ou un western", raconte-t-il, notant toutefois "que le propos n’est pas de faire rire". Ami de Massin et passionné de typographie, il a utilisé gravures industrielles et typographies, maniant collages et tramés… le tout sur un fond blanc dont il a secret, "pour laisser le trait porter l’histoire".

Parce que livre a été terminé avant la série animée, il paraît le 29 septembre et sera publié en Slovénie (Druzina), en Italie (Rizzoli), aux Pays-Bas (Berne Media), en Corée (Vega Books), au Japon (Chikura Shobo), en Pologne (Dwie Siostry) et en langue espagnole (Sexto Piso).

Un enjeu intellectuel

La série animée comprendra 35 épisodes, qui devraient être achevés le 15 décembre (une trentaine seront prêts fin septembre). Pour l’occasion, Bayard se fait producteur et s’est adjoint le savoir-faire de La Fabrique des images, le studio luxembourgeois dont le groupe possède 20 %, qui réalise les animations. Le comédien André Dussollier dit le texte de Frédéric Boyer et le jeune compositeur Benjamin Riboulet a créé une musique originale. La série sera diffusée sur KTO dès le 27 novembre, et le groupe a prévu une chaîne YouTube entièrement dédiée où les premiers épisodes seront visibles gratuitement. "Nous avons eu 150 millions de vues de vidéos sur la chaîne Petit Ours Brun. Notre projet est de donner à la Bible une diffusion audiovisuelle la plus large possible", souligne Georges Sanerot, président du directoire de Bayard.

Bayard sort l’artillerie lourde avec une grande exposition scénographiée par Serge Bloch au Centquatre, à Paris, du 24 septembre à février 2017, accompagnée d’une soirée musicale le 31 décembre. "La typographie s’y animera" et le château d’eau du Centquatre sera transformé en tour de Babel. "La Bible est en 2D, contrairement à SamSam, qui est en 3D. Le budget est inférieur mais l’enjeu intellectuel est plus grand. On me donne de gros jouets à chaque fois, mais pour moi, le livre, le dessin animé, le générique et la scénographie de l’exposition relèvent de la même écriture graphique", commente Serge Bloch. Le dispositif comprend aussi une "Nuit de la Bible" au théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, un colloque aux Bernardins en octobre. Sans oublier site dédié, campagne de publicité et animations en librairie. On n’en a jamais fini avec la Bible.

(1) Voir "Le choix multimédia de Bayard" dans LH 1037, du 10.4.2015, p. 26.

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