Avant-portrait

Didier da Silva n’a ni permis de conduire, ni portable. Tranquillement mais fermement "hostile à l’idée d’être joignable tout le temps". Avec les titres d’Alban Lefranc et d’Arno Bertina, Louange et épuisement d’"Un jour sans fin", le sixième livre de ce quadragénaire resté jeune homme inaugure "Constellation" (1), la première collection pour adultes des éditions Hélium, qui orchestre la rencontre littéraire d’un écrivain et d’une œuvre (film, photographie, musique...).

Contemplatif

Sollicité par la fondatrice de la maison, Sophie Giraud, qui, lorsqu’elle officiait chez Naïve, avait publié Hoffmann à Tôkyô, son premier roman, il a choisi sans hésitation la comédie romantique d’Harold Ramis (Groundhog day en VO), sortie en 1993 et devenue culte, dans laquelle un présentateur météo (Bill Murray), envoyé pour couvrir la fête de la marmotte dans une bourgade de Pennsylvanie, revit sans cesse la même journée. Programme du titre parfaitement respecté : cette brève fiction célèbre en effet un "chef-d’œuvre pas trop écrasant" que le fan connaît par cœur. Et poursuit le fantasme d’examiner le film sous toutes ses coutures. Le résultat est un spirituel et très dense exercice d’admiration saturé d’informations débordant en copieuses notes de bas de page. Une commande arrivée à point nommé, reconnaît-il, car elle a profité de l’énergie du nouveau "champ d’action" ouvert l’année dernière avec L’ironie du sort où l’écrivain reliait dans une virtuose dérive des événements partageant toutes sortes de coïncidences.

Vivant à Marseille, dans un sud-est natal qu’il n’a jamais quitté, Didier da Silva aime adopter le point de vue de Sirius : "le pas intergalactique de côté". Ce garçon stable se décrit comme quelqu’un qui "rêvasse beaucoup". Mais le procrastinateur contemplatif peut se muer en travailleur acharné, capable de s’immerger pour écrire, vite et "dans une certaine jubilation". Pour payer les factures, l’écrivain est correcteur et la douzaine d’années passées comme "ouvrier du texte" chez un éditeur de littérature sentimentale a inspiré quelques traits du narrateur d’Une petite forme (P.O.L, 2011), un récit accompagné des dessins de l’excellent François Matton.

Si l’on veut affiner le portrait, on peut aller voir Danses de travers, le blog que Didier da Silva alimente, selon un rythme très souple, d’images et de billets qui archivent notamment les traces de ses lectures. On pourra aussi l’entendre, dans des enregistrements vidéo home made, jouer du piano, instrument qu’il pratique "en amateur" mais auquel il consacre, en bon obsessionnel, plusieurs heures par jour. Mélomane aux goûts classiques balisés par trois passions - François Couperin, Erik Satie et Morton Feldman -, Didier da Silva commence d’ailleurs, très tôt, ses journées par la lecture d’une partition. Il paraît qu’il se défend aussi en pâtisserie. Mais on n’a malheureusement pas pu le vérifier. Véronique Rossignol

(1) Voir LH 1031, du 27.2.2015, p. 29.

Didier da Silva
Louange et épuisement d’"Un jour sans fin"
Hélium
Prix : 12,90 euros
Sortie : le 18 mars
ISBN : 978-2-330-04711-5

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