Dossier

Dossier Loisirs créatifs : tendance Japon

A la librairie Junkudo, Paris 1er. - Photo OLIVIER DION

Dossier Loisirs créatifs : tendance Japon

Sur un marché peu dynamique, qui reste tiré par les arts du fil, la vague nipponisante déferle non seulement sur la couture, toujours très porteuse, mais également sur d'autres segments comme l'origami ou le dessin.

J’achète l’article 4.5 €

Par Véronique Heurtematte
Créé le 11.09.2015 à 14h33

Que ce soit dans les arts du fil, le dessin ou le pliage, le Japon est résolument à la mode en matière de loisirs créatifs. L'engouement est né il y a quelques années avec la couture. Les couturières françaises se sont entichées des patrons sobres et modernes des créatrices japonaises, au point d'acheter les ouvrages non traduits sur Internet ou, à Paris, dans la librairie spécialisée Junkudo. Hachette est l'un des premiers éditeurs à s'être emparé du phénomène avec sa collection "Mes carnets de couture", achetée à un éditeur japonais. Celle-ci s'est enrichie cette année de 5 titres (dont Les indispensables, Sacs et Mes petits habits). Mais la mode "Japon" se retrouve également dans l'engouement pour l'origami ou les dessins de mangas, et nombre d'éditeurs de loisirs créatifs surfent aujourd'hui sur la vague.

"Je suis sûr que la clientèle est là, mais les gens ont de plus en plus de mal à se procurer les ouvrages." DIDIER CARPENTIER, ÉDITEUR- Photo OLIVIER DION

Dessain et Tolra s'y essaie avec un achat, Style petite fille, et une création, Inspiration Japon. La maison a également édité au premier semestre Dessiner les kokeshis et Bordures de perles au crochet et à l'aiguille, réalisé par des stylistes japonaises. Les éditions de Saxe profitent de leur partenariat ancien avec des éditeurs japonais et ont recruté deux collaboratrices nipponnes dans leur équipe. Elles ont publié notamment Le cartonnage, jolies boîtes habillées de tissus. Didier Carpentier propose ce mois-ci Animaux miniatures japonais, à confectionner en perles, tandis que Marabout illustrera la tendance avec un ouvrage consacré aux papiers et un autre aux rubans japonais.

"On se positionne sur la clientèle non débutante, qui a un bon niveau de pratique et qui est à la recherche d'idées à réaliser."ALEXIS FAJA, TUTTI FRUTTI- Photo OLIVIER DION

Eyrolles se lance à la rentrée avec deux séries de couture japonaises, une pour le grand public (Happy homemade femmes et Happy homemade enfants) et une autre de niveau professionnel (Pattern magic volumes 1 et 2). Il présente aussi en ce mois de septembre Atelier cartonnage made in Japan, réalisé par une créatrice japonaise installée à Paris. Déjà éditrice de nombreux livres pour dessiner les mangas, la maison prévoit une seule nouveauté sur le sujet mais sous une forme originale, au dernier trimestre.

"Nous sommes revenus à nos fondamentaux et nous rénovons notre fonds." COLETTE HANICOTTE, DESSAIN ET TOLRA- Photo OLIVIER DION

SOUS-EXPLOITÉ EN LIBRAIRIE

Si la mode venue du pays du Soleil-Levant et les arts du fils, qu'elle contribue à redynamiser, créent de l'activité, le petit marché des loisirs créatifs, qui représente moins de 2 % du secteur du livre pratique, continue à régresser. "Si on veut être optimiste, on peut dire que la baisse est plus modérée que les années précédentes", note Jean-Louis Hocq, chez Solar. Pour Marabout, l'année 2010 a été "difficile sur un marché compliqué en librairie mais très actif sur Internet". A L'Inédite, on reconnaît également que 2010 a été plus morose que 2009, dans un contexte général peu favorable.

"A une époque, on a tenté les livres d'idées pas chers, mais ce type d'ouvrage est concurrencé par la presse et Internet." VALÉRIE GENDREAU, LE TEMPS APPRIVOISÉ- Photo OLIVIER DION

A contre-courant de ces perspectives peu encourageantes, les éditions de Saxe ont réussi le tour de force d'augmenter leur chiffre d'affaires (presse et édition) de 28 % en deux ans. Mais si les ventes livres du premier trimestre 2011 ont encore augmenté de 46 % par rapport à la même période de 2010, c'est au prix d'une phase de restructuration "très dure", reconnaît Viviane Rousset, directrice générale du groupe. Eyrolles, où l'on se réjouit d'une année plutôt satisfaisante, constitue une autre exception à la règle.

Le marché semble souffrir d'une situation paradoxale : les loisirs créatifs sont à nouveaux très prisés des Françaises, comme en témoignent les nombreux cours qui affichent complets et l'intense activité des blogueuses sur Internet. Mais, à l'inverse du phénomène qui prévaut dans les pays anglo-saxons, et notamment en Grande-Bretagne, les ventes de livres en France ne suivent pas en conséquence.

Les ventes en ligne sont cependant en hausse constante, et elles représentent une part parfois significative du marché, comme pour Marabout, où elles peuvent atteindre jusqu'à 20 % du total pour un titre. Chez Didier Carpentier, Internet représente 17 % du chiffre d'affaires global. "Je suis certain que la clientèle est là, mais les gens ont de plus en plus de mal à se procurer les ouvrages. Certains achètent sur Internet, mais tout le monde ne fait encore pas cette démarche", estime Didier Carpentier.

Les ventes dans les salons spécialisés sont souvent très bonnes également. "Si les ventes en librairie ont baissé, nous obtenons toujours de bons résultats dans les salons, témoigne Nadia Daniel, directrice de L'Inédite. Cela montre que quand on permet la rencontre entre le public et le livre, l'acte d'achat existe." La principale difficulté, relevée par la plupart des éditeurs, réside donc dans la présence de plus en plus problématique dans les différents canaux de vente au détail. Nombre de boutiques spécialisées ont fermé ; les libraires adoptent une attitude de plus en plus prudente, limitant les réassorts, et les grandes surfaces ne jouent plus le jeu. «C'est un cercle vicieux, dénonce Jean-Louis Hocq. Les points de vente se sont retirés alors qu'il existe un terrain favorable, comme le montre le succès des ateliers de loisirs créatifs."

ASSEZ CHERS ET TRÈS BIEN FAITS

Pour exister au mieux sur ce marché complexe, les éditeurs jouent la carte des sujets de niche ou de la diversification. L'Inédite, très orienté sur l'art du fil et en particulier de la couture, envisage par exemple de revenir à des activités telles que la pâte polymère ou la peinture sur porcelaine. Les éditions de Saxe se proposent aussi de s'ouvrir à d'autres techniques que celles du fil qui constituent leur spécialité, voire à d'autres secteurs, comme le jardinage. C'est également la stratégie de Tutti frutti, qui n'exclut pas d'aller vers des domaines tels que la jeunesse, et qui, pour les loisirs créatifs, vise un public bien particulier : "On se positionne sur la clientèle non débutante, qui a un bon niveau de pratique et qui est à la recherche d'idées à réaliser", explique Alexis Faja, gérant de Tutti frutti.

Pour Thierry Lamarre, aux éditions Marie-Claire, "la décoration et l'univers des enfants sont très porteurs, de même que les matériaux naturels". L'éditeur publie notamment Doux et naturel, 50 modèles bébés et enfants à tricoter paru en mars, et Accessoires enfants, à paraître en octobre. Marabout se positionne également avec des ouvrages qui explorent les aspects les plus à la mode tels que le shabby chic, le liberty ou le vintage. Solar publie quelques titres soigneusement sélectionnés, de préférence sur des sujets hors des sentiers battus. Didier Carpentier fait de même en s'orientant vers des techniques de niche comme le crochet tunisien ou la broderie Richelieu. Chez Fleurus, qui a pris une option analogue, Guillaume Pô souligne que "le marché est atone. Il faut aller sur des niches avec des idées originales et un bon rapport qualité-prix". Dessain et Tolra a de son côté réduit sa production à 25 titres par an. "Nous sommes revenus à nos fondamentaux et nous rénovons notre fonds", explique Colette Hanicotte, la directrice éditoriale.

Les éditeurs misent dans leur majorité sur des ouvrages très soignés, situés dans une gamme de prix moyens ou élevés. "A une époque, on a tenté les livres d'idées pas chers, ne nécessitant pas de technique. Mais ce type d'ouvrages est concurrencé par la presse magazine et ce qu'on trouve gratuitement sur Internet, note Valérie Gendreau, responsable éditoriale chez LTA (Le Temps apprivoisé). Nous sommes revenus à des livres associant des contenus solides et une forme très attractive." Les ouvrages doivent se montrer indispensables pour les patrons ou les explications techniques qu'ils fournissent. "Ce qui fonctionne le mieux, ce sont les livres assez chers, très bien faits, proposant un design de qualité", résume Elisabeth Darets chez Marabout.

Les bibles et encyclopédies reviennent en force. Au Temps apprivoisé par exemple, La bible de la couture mode parue en 2010 a totalisé 5 000 ventes. Fort des bons résultats de ses Encyclopédie de la couture et Encyclopédie du tricot, Flammarion a publié en mars une Encyclopédie des travaux d'aiguilles, déjà en réimpression. "Les tirages initiaux sont modestes mais les ventes sont régulières. Ce sont des titres qui deviennent du fonds", observe Valérie de Sahb, qui y était jusqu'au 2 septembre directrice éditoriale du secteur livres pratiques. Chez Marabout, Mon cours de crochet paru en juin initie une série inspirée d'une collection de pas à pas qui a fait ses preuves en cuisine et qui comptera quatre titres dédiés chacun à une technique. L'Inédite publie au second semestre un Manuel de la machine à coudre. Eyrolles est l'un des rares éditeurs à tenter les petits ouvrages pas chers avec sa collection "Premiers pas" dans laquelle paraîtra en septembre Le tricot premiers pas, après la couture et le crochet depuis le début de l'année.

SUIVEZ LE FIL

La couture et les arts du fil continuent de tirer le marché, et les éditeurs ont les yeux rivés sur les blogs en vue pour capter l'air du temps. Tutti frutti a obtenu de très bons résultats avec Couture pour bébé et sa maman et Patrons de couture, parus en 2010. La signature d'une auteure vedette est un gage supplémentaire de succès. Flammarion poursuit sa collection de modèles pour enfants "Intemporels" dirigée par Astrid Le Provost (dernier titre paru : Contes de fées intemporels en octobre 2010). L'éditeur a créé cette année avec la même auteure une nouvelle série de patrons pour les femmes avec un premier titre en mai (Coton, lin et liberty). L'Inédite poursuit également les publications de son auteur fétiche Anne Pia avec Sacs et accessoires d'Anne Pia paru en février. Fleurus a prévu un nouvel opus de la célèbre créatrice norvégienne Tilda (L'atelier de Tilda à paraître en octobre).

Avec "Mes carnets du fil", Hachette Pratique inaugure une série de livres originaux dans lesquels des blogueuses partagent leurs projets et leurs "trucs". Les éditions Marie-Claire proposent de réaliser des petits objets avec Animaux en tissu paru en février et Petites bêtes à coudre ainsi qu'Animaux en feutrine à paraître en octobre. Les éditions de Saxe sont présentes avec deux collections : "Secrets de couturière", qui s'enrichit d'un à deux titres par mois, et "Couture tendresse", dédiée aux enfants. Dessain et Tolra a publié Coudre à la machine en février et Petits hauts tout simples en mai.

Un peu délaissé jusqu'à récemment, le crochet fait cette année un retour remarqué sur le devant de la scène, et les titres qui lui sont consacrés se multiplient. Chez Didier Carpentier, Les doudous de Cendrine, volume 3 est paru en juillet et Ouvrages au crochet avec des carrés rétro est prévu pour novembre. Fleurus annonce Motifs nature au tricot et au crochet, tandis que Crochet gourmand paraîtra chez Tutti frutti, qui a vu les ventes de son 200 carrés au crochet paru en 2007 monter en flèche depuis septembre 2010.

Le tricot demeure un sujet bien exploité avec Les boules de Noël en tricot aux éditions de Saxe et Maille et design : le tricot revisité ainsi que Tricot, premier pas chez Eyrolles. Idem pour la broderie. Tutti frutti compte même mettre l'accent sur cette technique avec une série consacrée aux marquoirs. Les éditions Marie-Claire y ont consacré un titre en mars, Broder pour bébé. LTA propose Abécédaires au point de croix ce mois-ci et Jardin rêvé, jardin brodé ainsi que Jours de fête en octobre. Fleurus a prévu un Agenda point de croix 2012, tiré à 11 000 exemplaires.

MA MAISON EST EN CARTON

A côté des arts du fil, plusieurs techniques continuent à tirer leur épingle du jeu. C'est le cas en particulier de celles faisant appel au papier ou au carton. Les meubles en carton restent un sujet prisé, bien que déjà couvert par de nombreux titres. Fleurus a obtenu de bons résultats avec son Grand livre des meubles en carton paru en octobre 2010. Terre vivante a publié en mai Je fabrique mes meubles en carton, dans sa collection "Facile et bio", tandis qu'en ce mois de septembre paraissent Cartonnage et gainerie déco aux éditions Didier Carpentier et Cartonnage chez LTA dans la collection "Les ateliers créatifs".

Eyrolles a prévu pour début 2012 un troisième volume de Créer son mobilier en carton. Chez L'Inédite, le cartonnage et l'origami restent également des valeurs sûres. Déjà bien établi sur ces segments, Solar poursuit ses parutions autour de l'origami et des pliages : Pliages de serviettes, paru en 2008 et réédité en coffret en avril 2010, totalise plus de 20 000 ventes. Dessain et Tolra prévoit pour la fin de l'année Boîtes à plier pour petits cadeaux. Il a investi l'origami avec une série de kits (Drôles d'origamis pour les filles, Drôles d'origamis pour les garçons à paraître en octobre) et un coffret, L'atelier bijoux origami, prévu pour la fin de l'année.

Dans le secteur du dessin et des beaux arts, Dessain et Tolra enrichit ses collections "Carnets d'art" et "Carnets de croquis". Fleurus ressortira pour Noël son coffret Dessiner les chevaux. Eyrolles, jusqu'alors tourné vers un public expérimenté, a prévu de faire au cours de l'année à venir de nouvelles encyclopédies pour les débutants.

La création en chiffres

LES JEUNES FEMMES RÉAPPRENNENT À COUDRE ET À BRODER

Vanessa Machenaud Dousset- Photo OLIVIER DION

Depuis leurs postes d'observation privilégiés des dernières modes et des publics, à la tête des deux grands rendez-vous français des loisirs créatifs, Vanessa Machenaud Dousset, commissaire générale des salons L'Aiguille en fête (1), et Anne-Sophie Durand, responsable marketing du salon Créations & savoir-faire (2), font des constats analogues. "On voit aujourd'hui de nouvelles générations de jeunes femmes très désireuses d'apprendre, souligne Vanessa Machenaud Dousset. Lors de notre dernière édition, ce sont les ateliers dédiés à l'utilisation d'une machine à coudre qui ont eu le plus de succès. Les visiteuses viennent toute la journée pour voir les exposants, surtout les étrangers, tester les nouveaux produits et acheter. Elles ont généralement un budget assez conséquent. Quand on a commencé le salon, le patchwork et la broderie dominaient, rappelle la commissaire générale de L'Aiguille en fête. Depuis deux ans, le tricot, de même que la couture, est devenu une tendance "branchée". Nous organisons des "speed knitting", des bars à pelotes. Le monde des merceries, par contre, a du mal à évoluer. Il faudrait les concevoir comme des lieux modernes, conviviaux, proposant les matériels mais aussi des ateliers, du conseil, des livres", estime-t-elle. "Nous comptons plusieurs libraires parmi nos exposants. Généralement, les visiteuses repartent avec au moins un livre sous le bras."

Anne-Sophie Durand remarque aussi "un rajeunissement de [leurs] visiteuses, avec une progression importante de la tranche des 25-35 ans qui représente maintenant 16 % des visites. On voit apparaître un public jeune, urbain, qui aime ce qui est contemporain. Les visiteuses viennent pour rencontrer leurs créatrices préférées et pour participer à des ateliers. La dimension communautaire a pris aussi beaucoup d'importance. Nous essayons d'être très présents sur le Net et les réseaux sociaux". Pour la responsable marketing du salon Créations & savoir-faire, "tous les produits liés à la couture se sont énormément développés. On voit apparaître des créatrices qui proposent des patrons plus mode, plus tendance, plus faciles à réaliser, mieux adaptés au public jeune qui émerge. En couture, mais aussi dans les autres techniques, les tendances les plus innovantes viennent du Japon. Là-bas, les loisirs créatifs sont un véritable art de vivre."

(1) Dédié exclusivement aux arts du fil, L'Aiguille en fête se tient depuis neuf ans à Paris avec 240 exposants et quelque 35 000 visiteurs sur quatre jours. Prochaine édition : 9-12 février 2012. Il existe également depuis deux ans une édition du salon pour les professionnels (11-13 septembre).

(2) Salon numéro un des loisirs créatifs en France, Créations & savoir-faire fêtera ses 15 ans d'existence lors de sa prochaine édition, du 16 au 20 novembre 2011 à Paris.

"Entrer en contact avec le monde entier"

 

Isabelle Kessedjian anime le blog Isabellekessedjian.blogspot.com et publie chez Mango (1).

 

Isabelle Kessedjian- Photo OLIVIER DION

"Je fais du crochet et de la broderie depuis l'enfance ; j'ai travaillé dans la publicité pour la 3D et je suis professeure de dessin et de sculpture depuis quinze ans", décrit Isabelle Kessedjian. "Je voulais montrer mes travaux et ceux de mes élèves à un public large. Puis très vite, j'ai eu l'idée de créer les "serial crocheteuses", précise-t-elle. Chaque vendredi, une blogueuse lance un thème. Les crocheteuses ont une semaine pour réaliser leurs créations et en poster les photos." Par la suite, "Mango m'a repéré, explique la blogueuse. Le livre reprend des réalisations que j'avais faites dans mes cours. Je n'ai pas eu de problème pour écrire les explications, car ce sont celles que je donne à mes élèves. Je sais où sont les difficultés. J'ai été en revanche très impressionnée par l'importance de l'équipe et des compétences à réunir pour éditer un livre : le photographe, la maquettiste, la styliste, l'éditeur ». Aujourd'hui, "nous avons un projet commun entre Fleurus et les "serial crocheteuses", pour lequel je vais faire le lien entre l'éditeur et la blogosphère. Le blog donne la possibilité d'entrer en contact avec le monde entier. Le mien a passé le cap de 1 million de visites au printemps dernier", indique Isabelle Kessedjian, qui se définit à la fois comme "professeure, dessinatrice et créatrice". "Editer un livre s'est fait dans la continuité de mon travail, mais ce n'est pas cela qui me fait vivre."

(1) Mes petites bricoles au crochet, 2010.

Les éditions Mango ont repéré Isabelle Kessedjian grâce aux créations qu'elle postait sur Internet.- Photo OLIVIER DION

Une fois par mois, un "tricoter(thé)" dans un bar

 

Gaëlle Guérin tricote le blog Knitspirit.net. Elle est aussi auteure chez Tutti frutti (1).

 

Tutti frutti a repéré les créations de Gaëlle en cherchant une auteure pour un livre sur les chaussettes.- Photo KNITSPIRIT

Elle a "appris à tricoter à l'âge de 7 ans avec [sa] grand-mère". "J'ai arrêté pendant une longue période, puis j'y suis revenue il y a quelques années", précise Gaëlle Guérin, qui a créé le blog Knitspirit.net "au départ seulement pour y stocker [ses] créations". "J'ai vite décidé de l'alimenter régulièrement, ajoute-t-elle. J'ai mis des vidéos pour apprendre le tricot qui ont attiré beaucoup de monde. J'organise aussi une fois par mois un "tricoter(thé)" dans un bar du 12e arrondissement de Paris qui peut réunir jusqu'à 50 filles de tous âges." Alexis Faja, des éditions Tutti frutti, a repéré son blog. "On s'est rencontrés et il m'a proposé d'écrire un livre sur les chaussettes, indique Gaëlle Guérin. J'avais déjà écrit des patrons, cet exercice n'était pas nouveau pour moi. En revanche, j'ai découvert le monde de l'édition et toute la somme de travail que demande l'édition d'un livre." Par la suite, "j'ai fait une prévente sur mon blog de mes livres dédicacés que j'ai pu expédier dès la parution ; la couverture du livre est présentée sur ma page d'accueil", signale la blogueuse dont l'activité "relève du loisir". "J'exerce un métier à temps complet dans un domaine qui n'a rien à voir avec les loisirs créatifs", précise-t-elle.

(1) Chaussettes faciles : nouveaux modèles à tricoter, 2010.

Photo KNITSPIRIT

"Une vitrine pour valoriser mes créations"

 

A l'origine du blog Callemariadelao.canalblog.com, Maria O. est auteure chez Dessain et Tolra (1).

 

Maria O. a été contactée par Dessain et Tolra, qui cherchait un auteur inspiré par le Japon.- Photo CALLE MARIA DE LA O

La fondatrice du blog Callemariadelao. canalblog.com vient "d'une famille où l'on occupe ses mains. J'ai commencé la broderie quand j'étais adolescente. Je me suis remise aux loisirs créatifs quand j'ai arrêté de travailler à la naissance de mes enfants. J'adore la couture et je crée mes propres patrons », détaille-t-elle, précisant qu'elle est "arrivée dans la blogosphère en 2008 car c'est une vitrine très valorisante pour présenter mes créations". Par la suite, "l'éditrice de Dessain et Tolra m'a contactée car elle cherchait un auteur inspiré par le Japon, ce qui est mon cas. Cette expérience a été une formidable porte ouverte. Cela m'a permis d'aller plus loin dans mon travail de création et de recherche. J'ai été très encadrée par une équipe de professionnels. Des lectrices fidèles de mon blog ont acheté Esprit Japon, et je reçois beaucoup de mails de personnes qui m'écrivent pour me féliciter", ajoute Maria O., qui juge "difficile de dire si le blog constitue un véritable moteur de vente", mais estime que "c'est en tout cas une véritable plateforme de communication". Pourtant, ces activités continuent pour elle de relever du loisir. "Je suis mère au foyer et je le reste, insiste-t-elle. C'est très valorisant de voir ses oeuvres publiées, et je trouve très agréable d'être entrée dans l'univers de l'édition. Mais je ne me considère pas comme une professionnelle."

(1) Inspiration Japon, 2011.

"En une journée, je touche 100 personnes"

 

Annie Feuillebois a créé le blog Marimerveille.canalblog.com. Elle est aussi auteure chez LTA (1).

 

Annie Feuillebois- Photo OLIVIER DION

Elle dessine depuis toujours et a travaillé pendant plusieurs années dans l'édition, puis dans le graphisme. "J'ai appris différentes techniques de loisirs créatifs comme le patchwork ou la peinture sur porcelaine en autodidacte à la naissance de mes enfants. J'ai commencé à animer des ateliers dans les écoles et à élaborer des pas à pas de mes créations." L'idée de son blog, Marimerveille.canalblog.com, est née "en allant dans les grands salons spécialisés". "J'ai découvert toute une communauté très active. En 2005, mon blog a été l'un des premiers dans le domaine des loisirs créatifs. J'ai rapidement eu une certaine notoriété car j'avais un style bien à moi. A l'époque, nous étions environ 5 000 blogueuses, aujourd'hui, nous sommes 850 000 !" Un jour, la blogueuse est "attirée par une interview de Valérie Gendreau, des éditions LTA, qui encourageait les créatrices à lui proposer des projets". "Je lui ai présenté mon book de créations, raconte Annie Feuillebois. C'est ainsi qu'est née notre collaboration." Les liens entre son blog et son activité éditoriale sont très importants. "En une journée, je touche 100 personnes, explique-t-elle. Le monde du Net va beaucoup plus vite que celui de l'édition. Il y a des personnes très influentes dont les commentaires ont un effet prescripteur immense. Certaines photos de mes réalisations ont fait le tour du monde et ont été vues par un million d'internautes." Au reste, précise-t-elle, "mon activité principale est la vente sur ma boutique en ligne des collections que je crée".

(1) Trésors chinés, 2011.

Sous toutes les coutures

La prédominance de la couture sur le secteur des loisirs créatifs se trouve confirmée par notre palmarès Ipsos/Livres Hebdo des meilleures ventes pour la période d'août 2010 à juillet 2011. Pas moins de 18 des 50 titres classés lui sont consacrés, dont 7 s'inscrivent parmi les 20 meilleures ventes de l'année. Le classement révèle un intérêt pour la technique dans son ensemble, particulièrement de la part des débutantes. Les encyclopédies et les manuels d'apprentissage se trouvent en effet bien représentés, avec notamment La couture pour les nuls, chez First, en 7e position, Couture b.a.-ba et Manuel pratique de la couture, chez Hachette, respectivement aux 16e et 17e places.

Autre segment gagnant du classement, l'origami y totalise 6 titres, illustrant la mode japonisante qui souffle sur les loisirs créatifs. Le dessin reste une valeur sûre avec 10 références, dont 5 dans le Top 20. Bien que ce format soit réputé "risqué" dans le domaine des loisirs créatifs, c'est un coffret que l'on trouve à la première place du classement, le coffret Dessin pour les nuls, chez First.

Le palmarès est représentatif des principaux acteurs du secteur, sans qu'aucun d'entre eux ne s'y impose de manière significative. Poids lourds du pratique, Larousse et Hachette Pratique placent respectivement 7 titres dans le Top 50, tandis que Dessain et Tolra y est présent avec 4 titres, tout comme Flammarion. A noter, la percée des éditions de Saxe, présentes avec 3 ouvrages, dont un dès la 20e place.


Les dernières
actualités