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Dossier Promotion : dix pistes innovantes pour la promotion du livre

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Dossier Promotion : dix pistes innovantes pour la promotion du livre

Révolutionnée par le numérique et les réseaux sociaux, la promotion du livre s’oriente de plus en plus vers l’événementiel, le sur-mesure et le service client. Des pratiques personnalisées pour toucher directement de nouveaux lecteurs, plus jeunes, en gagnant la bataille de l’image.

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Par Cécile Charonnat,
Pierre Georges,
Créé le 09.03.2018 à 09h12

ongtemps cantonnée aux campagnes médias, à l’affichage et aux opérations commerciales en librairie, la promotion du livre est en plein bouleversement depuis trois ans. En forte évolution, le marketing éditorial s’enrichit d’actions originales et innovantes, rendues possibles par l’explosion du numérique, des réseaux sociaux et de la collecte de données. "Dans notre secteur en particulier, tout se passe sur Internet et sur les réseaux sociaux, c’est un fait, et cela nous impose de nouvelles pratiques", décrypte Nicolas Ducos, directeur marketing de Kana. De nouvelles méthodes que reflète aussi l’organisation du service marketing d’Univers Poche, mise en place par sa directrice, Emmanuelle Phalippou, dès son arrivée. L’équipe fonctionne en deux pôles : "L’un est chargé des lancements classiques. L’autre, baptisé projets et innovations, sert d’incubateur et teste toutes sortes d’idées, liées notamment à Internet et aux réseaux sociaux", explique-t-elle.

Youtubeurs, instagrameurs et autres leaders d’opinion en ligne cohabitent désormais avec succès avec les outils classiques de communication, à l’image de ce que déploie Kana. "Il y a une vraie adéquation entre le Web, les influenceurs et la communauté manga. C’est un cercle vertueux pour nous", indique Nicolas Ducos. Autre émanation des réseaux sociaux, sur laquelle les éditeurs s’appuient massivement, le phénomène de communauté. Chez Univers Poche, chaque marque dispose de son community manager, chargé d’animer le cercle de fidèles grâce à une "incarnation de la parole. Notre Mister 10/18 s’exprime certes sur les livres et le catalogue, montre les coulisses et poste des vidéos rigolotes, mais parle aussi de lui. Un tiers à la moitié des messages qu’il envoie le concernent directement. Cela crée un engagement fort de la communauté, qui, si elle s’empare d’un livre, nous assure alors la moitié du travail de communication", soutient Emmanuelle Phalippou.

Plus globalement, le digital n’est plus le parent pauvre des plans de communication. "C’est même devenu un excellent moyen pour parler au lecteur", ajoute la directrice marketing d’Univers Poche. Mais la vraie révolution, dans le marketing éditorial, vient sans aucun doute d’un revirement complet de paradigme. "Le lecteur est désormais au centre de notre réflexion. On cherche à mieux le connaître pour lui proposer un discours adapté et un accompagnement lorsqu’il doit faire son choix dans une offre éditoriale pléthorique", détaille Emmanuelle Phalippou. Une révolution impulsée notamment par l’exploitation des données et qui conduit à l’amplification du rapport direct entre l’éditeur et le lecteur final, et à la "prédominance de la notion de service.On se dirige de plus en plus vers un marketing d’accompagnement dont le message sera : "regardez ce que je peux faire pour vous", et non plus :"regardez comme mon produit est beau". Le chantier s’ouvre, on est encore au début mais tout le monde s’y met", analyse Fabrice Bertocci. Sans tarder, le directeur marketing de Belin a mis en place cette politique en 2016 en montant une opération de recyclage d’anciens manuels scolaires.

La volonté de personnaliser les liens unissant éditeurs et lecteurs se retrouve également dans les relations que les premiers entretiennent avec les libraires. Désormais prompts à mettre la main au portefeuille pour élaborer une opération commerciale ou de promotion, les éditeurs acceptent également de concevoir avec les libraires des animations créatives telles que les murder party ou le Tournoi des mots, imaginé par Le Livre de poche (page 63). Voire de se muer en maître de conférences. Revue de détail. C. Ch.

Faire appel à des "influenceurs"

Sora présente Fire Force 4 sur sa chaîne YouTube.- Photo DR/COPIE D’ÉCRAN SORA

Booktubeurs, instagrammeurs et autres twittos : ces dernières années, les nouveaux "influenceurs" des réseaux sociaux sont devenus des relais incontournables pour le monde du livre. Ils font partie intégrante des stratégies de communication et de marketing de beaucoup d’éditeurs.

Comme chez Kana, le label manga du groupe Média-Participations, qui, pour lancer deux de ses nouvelles séries, Fire force et Au-delà de l’apparence, a récemment fait appel à l’agence Influence4you. Le principe : promouvoir ses albums auprès d’un large public d’adolescentes et d’adolescents, en s’appuyant sur une youtubeuse "mode et lifestyle", Beyourself, et un youtubeur "gaming", Sora.

Beyourself chronique Au-delà de l’apparence entre deux tutos beauté.- Photo DR/COPIE D’ÉCRAN BEYOURSELF

"Chaque talent a publié une vidéo sponsorisée sur sa chaîne dans laquelle il présentait l’un des deux nouveaux mangas édités par Kana", explique Influence4you dans le compte rendu de l’opération commerciale. Un jeu-concours sur le compte Twitter de Sora a aussi été mis en place. "En portant notre choix sur des profils ne traitant pas habituellement de mangas dans leurs vidéos, mais ayant tout de même une réelle appétence pour la culture populaire, on s’assurait de s’adresser à une cible large, et pas seulement aux fans de mangas", ajoute la société.

"C’est une approche plus marketing que presse. On externalise en passant par une agence spécialisée, ce qui nous fait gagner beaucoup de temps", décrypte de son côté Nicolas Ducos, directeur marketing et commercial de Kana.

Les résultats parlent d’eux-mêmes, en ligne comme en librairie : 70 000 vues au global sur les deux vidéos, près de 30 000 exemplaires du premier opus de Fire force écoulés, 8 000 pour le shojo Au-delà des apparences.

"Cela implique bien sûr un budget important, mais, en ligne, le résultat est là en termes de vues, de clics, et donc d’image", se réjouit le directeur marketing. "C’est un vrai succès qui vient renforcer notre communication "classique", dont on s’occupe en interne", ajoute-t-il.

L’opération, menée en mai 2017, a permis à Kana de lancer dans les meilleures conditions ses deux séries. L’éditeur n’a pas encore réitéré l’expérience. "Mais on y pense, précise Nicolas Ducos. C’est un vrai cercle vertueux pour nous." En attendant, l’éditeur manga finalise un partenariat avec la Fnac, qui publiera sur son site des séries de vidéos présentant les nouveaux albums Kana. P. G.

Miser sur les applications mobiles gratuites

En janvier, le célèbre "Guide du routard" s’est lancé le défi d’une application mobile gratuite qui veut "donner envie d’acheter le guide papier", explique sa direction. "Nous avons orienté l’application comme un complément du papier pour préparer le voyage en amont, grâce à des services additionnels au guide traditionnel", précise Gavin’s Clemente Ruiz, directeur du développement du guide de voyage édité par Hachette Tourisme. "Mais toujours dans l’esprit routard !"

Baptisé "Bons Plans Voyage-Le Routard", l’application ne contient aucun élément éditorial qui viendrait "cannibaliser" le guide papier mais propose des services de réservation d’hôtels, de billets d’avions, de promotions, achat de devises ou assurance, ou encore un service d’indemnité aérienne. L’outil se base sur des dizaines de partenariats noués avec des acteurs du monde du tourisme. "Aujourd’hui, tout se joue sur le smartphone, mais les formats papier et numérique sont pour nous très complémentaires", indique Gavin’s Clemente Ruiz, qui se dit très satisfait des premiers résultats commerciaux de l’opération.

"L’application vient promouvoir non seulement le livre papier mais aussi l’expertise globale de la marque Routard", poursuit-il, parlant d’un investissement "très important" pour le groupe. "Pour nous, elle joue le rôle d’une vitrine de librairie."

Le guide, créé en 1973, avait d’abord tenté, pour accompagner ses clients dans leurs voyages, de lancer une dizaine d’applications mobiles, toutes payantes, chacune reprenant exactement le contenu des guides papier. Avant de vite prendre conscience qu’aujourd’hui les consommateurs ne payaient pas pour une application, surtout s’ils y retrouvaient la même chose qu’en papier. "Vu le nombre de téléchargements, nous nous sommes vite rendu compte que ce n’était pas le meilleur modèle", confie le directeur du développement.

D’autant qu’à l’heure actuelle les ventes de guides se portent très bien. D’après les chiffres fournis par Hachette Tourisme, près de 2,5 millions de guides papier s’écoulent chaque année, un chiffre stable, voir même "plutôt en croissance en 2017". Côté Web, Routard.com revendique environ 4,6 millions de visiteurs uniques par mois, 60 % d’entre eux provenant du mobile. Et simple hasard ou stratégie qui porte déjà ses fruits, Le Routard a, en janvier 2018 et pour la première fois de son histoire, placé 12 de ses guides aux 12 premières places du Top Tourisme des meilleurs ventes Livres Hebdo/GFK. P. G.

S’inviter dans les salles obscures

Joann Sfar a choisi le film El gusto de Safinez Bousbia lors de la présentation du Chat du rabbin.- Photo SFAR/DARGAUD

Quand un éditeur se met à la bande des cinés. En collaboration avec les cinémas MK2, Dargaud organise depuis une dizaine d’années des rendez-vous "Ciné BD" qui lui permettent de mettre en avant ses dernières sorties.

"Ces rencontres donnent carte blanche à un auteur de bandes dessinées qui est invité, dans le cadre d’une conférence animée par un journaliste, à présenter son œuvre et le rapport qu’il entretient avec le cinéma", explique la plaquette publicitaire du projet.

Photo QUIDAM PRODUCTIONS

"L’idée, c’est d’inviter un de nos auteurs, qui a déjà un nom assez installé pour donner de la visibilité à son dernier album, au moment de sa sortie", raconte Solène Deltell, chargée des festivals et des dédicace chez Dargaud. Les soirées se déroulent ainsi : une vente de BD dans les librairies MK2 avec une séance de dédicaces de l’auteur, une rencontre avec le public en salle, puis une projection. Le rythme actuel : environ un Ciné BD tous les deux ou trois mois, en fonction du calendrier des sorties "importantes" de l’éditeur.

La dernière séance en date, articulée autour du dernier tome du Chat du rabbin, a vu Joann Sfar choisir le film El gusto de Safinez Bousbia. Mathieu Lauffray et Wilfrid Lupano, pour "Valérian, vu par…",ou encore Mathieu Sapin, pour Gérard : cinq années dans les pattes de Depardieu, se sont aussi récemment prêtés au jeu.

"L’important est de créer une passerelle entre BD et cinéma, qui nous permet une bonne visibilité sur nos parutions", précise Solène Deltell.D’autant que, au cours des semaines avant la rencontre, une bande-annonce promouvant l’album est diffusée dans tous les cinémas MK2. "Cela fonctionne bien. En plus des ventes sur place, cela a un impact en termes d’image et d’écho: on vient parler du livre dans un endroit qui ne lui est pas consacré, et on y attrape de nouveaux lecteurs!" résume-t-elle. P. G.

S’improviser maître de conférences

La conférence "Industrie alimentaire et toxicité" avec Robert Barouki et Isabelle Brokman, animée par Nathalie Hélal (au centre), le 18 novembre à l'Auditorium Le Monde.- Photo DR/COPIE D’ÉCRAN PLACE DES ÉDITEURS

Afin de trouver des nouveaux leviers de communication mais aussi de rapprocher ses auteurs et ses lecteurs, Solar a lancé, fin 2017, ses premières "Assises", construites autour du thème de l’alimentation.

Le principe : une série de quatre conférences, gratuites et étalées sur une demi-journée, animées par six spécialistes (gastro-entérologue, scientifique, toxicologue, journaliste, animateur de télévision et président de coopérative), et ayant tous récemment publié un ouvrage chez Solar.

"On remet dans l’édition un aspect humain, et on valide notre rôle de transmetteur de savoir. En termes d’image, c’est essentiel."Anne Chamaillard, Place des éditeurs- Photo OLIVIER DION

Thomas Uhl (Et si je mettais mes intestins au repos ?), Laurent Mariotte (Mieux manger toute l’année) ou encore le Dr Robert Barouki (Savez-vous vraiment ce qu’il y a dans votre assiette ?) comptaient parmi les premiers invités. Avec, pour question fil rouge : "Comment concilier santé, bien-être et vie active ?"

"Le plus positif dans cette opération fut le relationnel instauré entre le public et nos auteurs", estime Anne Chamaillard, directrice de la communication chez Place des éditeurs, maison mère de Solar. "On remet dans l’édition un aspect humain, et on valide notre rôle de transmetteur de savoir. En termes d’image, c’est essentiel."

Si ces premières Assises ont fait salle comble, c’est également grâce à un relais sur les différentes pages qu’anime l’éditeur sur les réseaux sociaux (Harmonie Solar, Club des Gourmands Solar ou encore Solar Sporting Club). Un libraire était aussi présent sur place, mais pour Anne Chamaillard, "l’important était surtout dans la promotion de [leur] maison en tant que telle". P. G.

Créer des "écosystèmes de réseaux sociaux"

Les membres du club des ambassadeurs de Place des éditeurs- Photo OLIVIER DION

Une simple page sur les réseaux sociaux ne suffit plus. "En plus de créer des pages d’éditeurs, d’auteurs ou de collections, nous essayons maintenant de mettre en place des écosystèmes de réseaux sociaux autour de nos ouvrages", explique le service marketing du groupe Editis. Le but : étendre et transformer les marques ou les collections du groupe en digital via Instagram, Facebook ou Twitter, et trouver une résonance auprès des lecteurs.

Roxanne présente son ouvrage de cuisine sur la chaîne YouTube de Place des éditeurs - Photo DR/COPIE D’ÉCRAN PLACE DES ÉDITEURS

C’est le cas pour la collection "Mon cahier" chez Solar, best-seller du rayon des cahiers pratiques et pour laquelle le groupe a créé des relais en ligne, avec des contenus riches et publiés à fréquence élevée : web-séries en vidéo, tutoriels réalisés par des youtubeurs voire même abonnement à des box ou ventes de produits dérivés.

Dans ce but, la direction de Place des éditeurs, qui regroupe 12 maisons d’édition dont Belfond, Lonely Planet ou Presses de la Cité, a fondé en 2012 un "club des ambassadeurs" sur les réseaux sociaux. Sur la base du volontariat, les salariés qui y adhèrent, toutes maisons confondues, définissent des stratégies communes, échangent sur les bonnes pratiques et les nouveaux outils.

Cela permet surtout aux éditeurs de mutualiser leurs stratégies de promotion en ligne. Les résultats sont là. Parmi les pages incontournables fondées et animées par ce club : Lonely Planet France (84 000 "J’aime" sur Facebook, 32 000 sur Instagram), Danielle Steel (65 000 "J’aime" Facebook), ou la page française d’Harlan Coben, qui frôle désormais les 100 000 fans sur Facebook. P. G.

Faire circuler la marque

Le camion "Que sais-je ?" aux couleurs de la collection à la boussole.- Photo DR/HUMENSIS

La tendance est à la promotion du livre sur des lieux insolites afin d’aller au-devant d’une population a priori captive et qui a du temps. Pionnier, le Livre de poche a concrétisé l’idée avec le Camion qui livre, qui sillonnera cet été les plages de France pour la 5e année de suite. Véritable succès estival, l’opération a depuis fait des émules. Après le triporteur de Folio-sur-Mer, imaginé par la filiale poche de Gallimard, et le Camion qui bulle, de Média Diffusion, propulsé l’année dernière sur les côtes françaises et belges, c’est au tour des Presses universitaires de France d’envoyer sur les routes sa librairie ambulante. Du 18 septembre au 10 novembre dernier, la maison du groupe Humensis a fait circuler un camion aux couleurs de la célèbre collection "Que sais-je ?". Stationné sur des campus universitaires ou à proximité de librairies partenaires, une dizaine au total, le véhicule, qui abritait une très large sélection du catalogue, a parcouru quelque 6 000 kilomètres, et visité 20 villes dont Paris.

Dispositif de communication bien plus qu’opération purement commerciale, le camion "Que sais-je ?" s’est déplacé avec l’appui d’une campagne sur les réseaux sociaux qui permettait de faire gagner, à chaque étape, des livres et des goodies. "L’idée première consiste à faire circuler la marque et à créer du liant avec le public cible, ces étudiants qui ont fait le succès de la collection, confirme Julien Brocard, responsable éditorial. C’est aussi une manière de contrer une organisation communicationnelle très verticale, qui vient de Paris." S’inscrivant pleinement dans la ligne éditoriale des "Que sais-je ?", qui sont nés pour apporter la connaissance au plus grand nombre, l’opération a également permis de présenter aux étudiants la refonte graphique engagée en janvier 2017. Malgré son succès, son renouvellement reste toutefois en suspens. "Même s’il ne coûte pas très cher, l’événement est lourd à mettre en place et demande un certain investissement", témoigne Julien Brocard. Verdict à la rentrée prochaine. C. Ch.

Rendre service

Photo OLIVIER DION

Eté 2016. Les 6 800 établissements scolaires qui s’apprêtent à appliquer la réforme du collège se retrouvent avec quelque 11,2 millions de manuels obsolètes sur les bras. Conscient de ce problème, Fabrice Bertocci, directeur marketing de Belin, en profite pour lancer une campagne de communication innovante. "Nous avons pensé que c’était une belle opportunité de rendre service à nos clients en leur proposant une solution de collecte et de recyclage de leurs anciens livres scolaires", raconte le directeur marketing. Alliée à Veolia, la maison du groupe Humensis monte donc l’opération Ecogeste collèges, qui représente également une opportunité d’ouvrir les collégiens à l’écologie et à l’économie circulaire. "Cela a plutôt bien fonctionné, se félicite Fabrice Bertocci. La première année, nous avons obtenu une couverture presse d’envergure nationale qui nous a en outre permis de sortir de notre spécificité d’éditeur scolaire."

"Notre campagne de recyclage a donné une teinte et un affect supplémentaire vis-à-vis de la marque."Fabrice Bertocci, Belin- Photo DR/BERTOCCI

Reconduite en 2017, l’opération a perdu de sa puissance auprès des médias mais a contribué à affirmer l’ancrage de la maison dans les établissements scolaires et auprès des intermédiaires, "qui, sous la pression des collèges, nous l’ont réclamée très tôt, note le directeur marketing. L’effet était moins visible directement mais a agi plus en profondeur auprès des enseignants. Certes, cette campagne n’a pas eu d’impact sur le choix des manuels mais elle a donné une teinte et un affect supplémentaire vis-à-vis de la marque." Pleinement ancrée dans cette stratégie de marketing serviciel et d’amplification du rapport direct entre l’éditeur et le lecteur final dans laquelle s’engage Belin, l’opération, "qui ne tient la route qu’en période de réforme", reconnaît Fabrice Bertocci, devrait prendre une nouvelle ampleur avec la réforme du bac, dont les premiers effets se feront sentir dès septembre 2019. C. Ch.

Organiser des joutes verbales

Le Tournoi des mots à la librairie Mollat à Bordeaux en octobre 2017.- Photo DR/HACHETTE LIVRE

Déjà actif dans la promotion événementielle qui favorise la proximité et l’expérience vécue par les lecteurs grâce à l’opération estivale le Camion qui livre, Le Livre de poche creuse son sillon. En partenariat avec le Labo des histoires, qui prend en charge les ateliers d’écriture du Camion qui livre depuis sa création, la filiale poche d’Hachette a imaginé une compétition nationale de joute verbale, le Tournoi des mots. Testée lors de la première Nuit de la lecture, en janvier 2017, à la librairie Mollat, à Bordeaux, l’opération a été lancée à l’échelle nationale en octobre dernier, toujours chez Mollat. S’inspirant des matchs d’improvisation, elle a pour but de promouvoir les textes classiques et de toucher un public jeune qui "aime particulièrement ce genre d’action", pointe Sylvie Navellou, directrice marketing du Livre de poche.

"Cela constitue une excellente réponse à la demande des libraires qui ont besoin d’inventer des formes d’animations différenciantes."Sylvie Navellou, Le Livre de poche- Photo OLIVIER DION

Le principe est simple : d’octobre 2017 à avril 2018, quatre étapes de qualifications réunissant 48 lycéens se déroulent en librairie, de Mollat (octobre) et du Furet du nord à Lille (janvier) à Kléber (Strasbourg) et Charlemagne (Hyères) en avril. Deux tournois supplémentaires se tiendront au salon Livre Paris les 15 et 19 mars. A chaque étape, quatre équipes de trois lycéens sont formées. Accompagnées d’un coach, elles s’affrontent autour d’une phrase extraite d’un texte classique à laquelle elles doivent donner une suite, en respectant une durée limitée et des contraintes spécifiques. Alexandre Dumas et Agatha Christie ont servi de support aux premières batailles, Georges Simenon fera l’objet du prochain round à Paris. A chaque manche, le public vote. L’équipe totalisant le plus grand nombre de points gagne la qualification et se rendra à la finale prévue à Paris le 1er juillet, sous le parrainage de l’écrivain Gaël Faye.

"Constater l’intérêt des jeunes pour ce genre d’exercice et la qualité des textes produits est très réjouissant, se félicite Sylvie Navellou au Livre de poche. C’est un peu le grand écart avec un travail plus classique de marketing pur et de communication que nous pratiquons, mais c’est aujourd’hui nécessaire, notamment pour toucher le jeune public." Autre avantage, cette forme de promotion permet de "revisiter l’univers des classiques et d’en parler de manière plus moderne. Cela constitue également une excellente réponse à la demande des libraires qui ont besoin, pour faire venir les gens dans leur magasin, d’inventer des formes d’animations différenciantes." C. Ch.

Jouer dans la librairie

Quelques participants à une murder party au Furet du nord en 2015.- Photo DR/COPIE D’ÉCRAN WEB TV CULTURE

Nées de l’envie de créer en librairie un événement particulier dans le cadre d’une opération commerciale traditionnelle et de "changer le format habituel de la rencontre, pas toujours pertinent pour un roman policier puisque l’on ne peut pas dévoiler grand-chose du texte", pointe Bénédicte Gimenez, chargée des relations libraires chez Univers Poche, les murder party sont devenues, en moins de quatre ans, une voie royale de promotion du genre policier. Principal éditeur à s’être emparé du concept, venu à la fois de sociétés de jeux privées et des bibliothèques, pionnières en la matière, Univers Poche en a coorganisé plus d’une demi-douzaine en 2017. La filiale d’Editis devrait poursuivre au même rythme en 2018. Elle fournit le scénario en lien avec le livre ou avec l’auteur, qui sera mis en avant lors de la soirée, ainsi que la logistique et les accessoires. Aux libraires de recruter les joueurs et de fournir l’espace et le personnel qui animera le Cluedo géant.
 

"Plus qu’une simple rencontre, les lecteurs vivent une expérience marquante qu’ils ne sont pas près d’oublier."Bénédicte Gimenez, Univers Poche- Photo OLIVIER DION

Avantage de la formule : "certes, on n’y parle pas directement de livres mais les relations entre les auteurs et les lecteurs sont complètement transformées. Le fait de s’adresser aux auteurs, de leur poser des questions pour résoudre les énigmes, voire de les suspecter, génère un autre rapport. Plus qu’une simple rencontre, les lecteurs vivent une expérience marquante qu’ils ne sont pas près d’oublier", constate Bénédicte Gimenez. D’autant que les auteurs sollicités se prêtent volontiers au jeu, tels Olivier Norek, Franck Thilliez ou Nadine Monfils, "excellente candidate pour ce genre d’animation", selon Nathalie Deleval, responsable du livre au Furet du nord. Le 9 mars, elle a accueilli sa quatrième murder party, placée sous le signe de l’incarnation. C. Ch.

Miser sur le sur-mesure

"Nous sommes en train de passer de l’industrialisation au marketing individualisé et au sur-mesure."Rémy Ehlinger, Coiffard- Photo OLIVIER DION

Stop pile, colonnes box et kakémono…, depuis toujours, proposer du matériel promotionnel et des opérations commerciales pour animer les librairies constitue l’un des piliers des opérations de marketing et de communication des éditeurs. Mais depuis deux ou trois ans, ces stratégies évoluent. Face à la volonté des libraires, notamment de premier niveau, de se différencier et d’abandonner la massification, "afin que les clients ne retrouvent pas partout les mêmes opérations au même moment chez tous les libraires de centre-ville", plaide Pierre Coutelle, responsable du pôle littérature et sciences humaines chez Mollat (Bordeaux), les éditeurs adoptent la politique du sur-mesure. Opération personnalisée autour d’une collection, constitution de vitrines inédites ou d’expositions originales mettant en valeur un ouvrage, ils s’impliquent et investissent de plus en plus dans les actions de promotion des libraires.

"Les magasins sont des écrins que nous devons habiller pour que nos livres y trouvent plus de place."Alice Déon, La Table ronde- Photo OLIVIER DION

A l’image d’Alice Déon, qui dirige La Table ronde. Accompagnée de Virginie Migeotte, spécialisée dans les relations libraires et avec qui elle travaille régulièrement, l’éditrice a financé la création et l’impression d’une bâche personnalisée ornant une vitrine consacrée à la collection "La petite vermillon", chez Coiffard à Nantes. Elle a également contribué, en février, à l’exposition en grand format de dix couvertures originales tirées du livre L’iconographe, paru en octobre, et "symbole d’une partie du catalogue de La Table ronde qui, coûte que coûte, privilégie la création", estime Pierre Coutelle. "Nos relations avec les éditeurs changent, analyse Rémy Ehlinger, propriétaire de Coiffard. Ils sont de plus en plus sensibles à cette stratégie de différenciation commercialement indispensable que nous nous efforçons de mettre en œuvre au quotidien et ils y participent. Nous sommes en train de passer de l’industrialisation au marketing individualisé et au sur-mesure." Désormais coutumier de ce genre d’actions, le libraire nantais a également monté une campagne sur le féminisme avec Folio, pour laquelle la marque de Gallimard a payé tee-shirts, goodies et marque-pages. "La promotion en librairie a un coût et c’est évident que nous devons y contribuer, confirme Alice Déon. Les magasins sont des écrins que nous devons habiller pour que, en contrepartie, nos livres y trouvent plus de place. Et finalement, fabriquer une bâche unique ne coûte pas beaucoup plus cher qu’en produire cinquante uniformisées mais qui ne seront pas utilisées." C. Ch.

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