"J’ai l’impression que depuis Simenon, il ne s’est rien passé"

Pierre Lemaitre chez Drouant, lors de la proclamation du prix Goncourt 2013. - Photo Olivier Dion

"J’ai l’impression que depuis Simenon, il ne s’est rien passé"

Auteur de polars reconnu mais aussi sacré par le Goncourt 2013 pour Au revoir là-haut (Albin Michel), Pierre Lemaitre revendique son côté "transgenre" et regrette une reconnaissance limitée de la littérature de genre.

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Par Cécilia Lacour
avec Créé le 23.02.2018 à 00h52

Pierre Lemaitre - Je suis un auteur transgenre, un bâton merdeux à mi-chemin entre la "Blanche" et la "Noire". Grâce au Goncourt, je suis plus associé à la "Blanche" mais je continue de me revendiquer en tant qu’auteur de polars. Je suis conscient d’embarrasser. Après Au revoir là-haut, qui était un roman picaresque, je reviens avec Couleurs de l’incendie qu’on qualifie de "roman dumasien". C’est un roman historique et j’en rajoute même en affirmant que j’ai conçu mon histoire comme un roman-feuilleton. Là, je suis dans le bas du panier. En dessous du panier même !

Non. Je ne me pose pas la question de la case. Je ne m’intéresse qu’à l’ADN de mon histoire et aux personnages. Une même histoire peut faire un roman dans la "Blanche" ou dans la "Noire". Mais je dois tout de même respecter des codes selon l’ADN de l’histoire, comme le suspense, la fausse piste et l’identification du lecteur au personnage principal. On peut ne pas écrire un pur roman sentimental avec un sujet comme American psycho de Bret Easton Ellis.

Déjà, la notion de littérature de genre pose problème parce qu’elle implique une échelle de valeur et suppose une hiérarchie entre la littérature noble et celle qui ne l’est pas. Ensuite, je n’ai pas vu l’ombre d’un frémissement de reconnaissance. La légitimité est le problème majeur de la littérature de genre. J’ai l’impression qu’il ne s’est plus rien passé depuis Simenon [entré dans la "Pléiade" en 2003, ndlr].

Les polars représentent un cinquième des meilleures ventes. Mais ce succès populaire entraîne une suspicion sur la qualité même du roman ! On verra une vraie reconnaissance quand deux auteurs de polars seront présents dans la première sélection des grands prix d’automne et que l’un d’entre eux franchira la barrière du deuxième tour. A cet égard, je pense que le Goncourt a un rôle puissant à jouer car il est bien plus qu’un prix. C’est un symbole de littérature, un emblème culturel.

23.02 2018

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