4 NOVEMBRE - RÉCIT France

Ces deux-là ont beaucoup déménagé. Par choix, par nécessité, ils ont reçu certains pays en héritage, ont été adoptés par d'autres. Après une première rencontre à Monaco, ils ont souhaité prolonger leur échange, poursuivre la conversation par écrit. Né en Suisse en 1975 d'une mère française et d'un père slovaque qui a fui Bratislava en 1968, à 25 ans, après l'entrée des chars soviétiques, Pascal Janovjak a habité en Jordanie, au Bangladesh et vit aujourd'hui à Ramallah. Son premier roman L'invisible a été publié par Buchet-Chastel en 2009. Dans Ru, désormais disponible dans la collection "Piccolo", qui a obtenu le grand prix RTL-Lire 2010, Kim Thúy a raconté quant à elle le départ forcé de sa famille du Vietnam quand elle avait 10 ans, puis l'installation au Québec, sa maison depuis plus de trente ans. Dans ce courrier électronique dont les messages courent le temps d'un automne, on retrouve la grâce fragmentée qui traversait ce livre émouvant et sage, ce sentiment profondément paisible de reconnaissance à l'égard de la vie même.

Ensemble, les deux écrivains partagent le sens de l'anecdote qui concentre une expérience universelle. Leurs analyses géopolitiques passent par les détails du quotidien. En parlant des enfants (Kim Thúy a deux fils, Pascal Janovjak et sa compagne italienne Francesca attendent un garçon à ce moment-là), des parents, des amis, de danse, de couleur préférée, du temps des verbes dans les langues qu'ils ont apprises, d'une lettre d'amour retrouvée sous un coffre-fort à Saigon, de l'obscurité des zones de checkpoints israéliens, ils se racontent des histoires d'exils et de violence éternelle, confrontent sans s'opposer leurs places dans le monde et disent le sentiment d'être étranger, l'identité que contiennent un prénom et un nom de famille, le mépris de soi et la haine de l'autre, ce tandem sans frontières.

Les lettres se répondent de façon parfois lointaine, indirecte. C'est une conversation dont la logique procède par échos, avec autant de silences que de confidences, un dialogue d'ombres, de doutes, fragile, qui tente de rendre lumineuses des images fugitives et comme elle dit, elle "souffle des mots pour faire le pont entre l'espace et le temps ».

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