LITTÉRATURE

La mode festivals

La mode festivals

Avec leurs programmes exigeants, les festivals littéraires sont-ils l'avenir des manifestations consacrées au livre ? Laetitia Daget-Buchon a tenté de cerner ces modèles émergents en analysant trois manifestations en France, au Royaume-Uni et au Brésil.

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Par Annie Favier
avec Créé le 03.10.2014 à 14h05

Laetitia Daget-Buchon organise chaque printemps à Deauville le salon Livres & musiques.- Photo LA VILLE DE DEAUVILLE

En 2008, 300 manifestations littéraires ont été soutenues par le Centre national du livre, sur 412 demandes d'aide. En 1988, une cinquantaine d'événements de ce type l'avaient été. Ces chiffres sont parfaitement révélateurs de l'amplification des salons du livre et autres manifestations littéraires organisées en France ces dernières années. Ils sont cités par Laetitia Daget-Buchon dans un mémoire de master 2 en Management des organisations culturelles à l'université de Paris-10 Dauphine intitulé "Les festivals littéraires : un modèle à l'épreuve d'un système économique", qu'elle a remis en octobre 2011.

Typologie

Depuis 2005, chaque printemps, Laetitia Daget-Buchon, 35 ans, organise à Deauville le salon Livres & musiques, créé deux ans avant son arrivée. Auparavant, elle a engrangé une expérience professionnelle significative dans le secteur : responsable du Bureau du livre à Rio entre 2003 et 2005, elle s'est fait la main sur le Salon du livre de Rio, avant de collaborer au Salon du livre jeunesse de Montreuil. Le sujet l'a tellement inspirée qu'elle a choisi d'y consacrer son mémoire : "Surtout parce que après avoir accumulé différentes expériences j'avais réellement besoin de théoriser le sujet », souligne-t-elle.

Pour étayer son propos, Laetitia Daget-Buchon a choisi d'étudier de près le fonctionnement de trois festivals : Etonnants voyageurs à Saint-Malo, The Hay Festival, rencontre littéraire britannique organisée à Hay-on-Wye, et la Festa literaria internacional de Paraty, au Brésil. Au préalable, elle dresse une typologie des manifestations, centrée sur la France, en mettant en avant leur aspect économique.

Elle n'hésite pas à parler de "jungle" pour définir la concurrence qui existe aujourd'hui entre les différents événements. Elle estime ainsi entre 1 000 et 1 500 le nombre de salons du livre organisés en France, avec des départements particulièrement dynamiques comme en Ile-de- France (175 manifestations) ou en région Paca (115). Ce qui a d'ailleurs incité des organismes comme les centres régionaux des lettres à mettre en place des chartes de qualité : "Créer un salon du livre contribue à développer une politique dynamique et attractive sur le plan culturel, écrit-elle, et à travers ces événements se joue une compétition économique." Selon Laetitia Daget-Buchon, le modèle de manifestations purement marchandes, telles que celles qui ont émergé ces dernières années, serait pourtant de plus en plus contesté. "Bien évidemment, je n'exclus pas du tout l'importance et l'utilité des foires nationales ou des petites fêtes organisées dans les villages, mais je pense simplement que les festivals émergents sont particulièrement intéressants parce qu'ils correspondent au goût dupublic."

Les trois exemples qu'elle donne de ces "festivals émergents" ont plusieurs points en commun. Il y a d'abord la forte personnalité de leurs fondateurs respectifs, qui ont su créer des réseaux et s'entourer d'équipes organisatrices très motivées : Michel Le Bris à Saint-Malo, Norman Florence et son fils Peter à Hay-on-Wye, Liz Calder à Paraty. Une programmation solide, riche d'animations diverses, lectures, ateliers, rencontres, de tout ce qui valorise le contenu des livres, est l'un des atouts majeurs de ces festivals, très soutenus par des médias partenaires et généralement fréquentés par la classe moyenne cultivée dans une ambiance festive. Tous ont réussi à acquérir une assise internationale, souvent via des filiales, ce qui leur permet d'accueillir de nombreux auteurs étrangers.

Rémunération des auteurs

L'avenir s'annonce d'autant plus radieux pour ces formes de manifestations qu'il ne semble pas menacé par l'arrivée du numérique : dans chacune d'elle, c'est d'abord le contenu des livres qui est mis en avant. Là où le bât blesse, pour Laetitia Daget-Buchon, c'est la quasi-absence de rémunération des auteurs qui se déplacent. "A Hay, on leur offre une rose et une bouteille de vin", souligne-t-elle. Elle qui, à Deauville, rétribue les auteurs présents regrette cette situation : "Même si l'on peut considérer que ces festivals constituent une bonne promotion pour les auteurs, il paraît étonnant que tout un système qui repose sur leur travail et leur créativité ne les rémunère pas du tout."

03.10 2014

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