A l'occasion du Salon du livre, le CNL s'apprête à distribuer 10 à 12 000 Chèques-lire de 10 ou 8€ aux jeunes visiteurs. Une priorité est donnée aux élèves scolarisés en ZEP et aux jeunes de moins de 13 ans. Voilà une politique de soutien à la lecture qui ne s'embarrasse pas des discours sur la gratuité du plaisir de lire ! La lecture a un coût semble-t-on dire et le chèque-lire serait l'outil pour surmonter l'obstacle à l'acquisition de livre et, au-delà, à sa lecture. Cela serait particulièrement le cas pour un public d'autant moins argenté qu'il est jeune et de milieu populaire. La seule promesse du plaisir offert par la lecture ne semble pas (plus ?) suffire à convertir le jeune public à cette pratique. Que la lecture apporte du plaisir ne parviendrait pas à convaincre les jeunes, il faudrait encore que cela ne leur coûte rien ou presque ! Il reste qu'on ne peut pas être sûr que la distance éventuelle à la lecture de livres repose surtout sur la barrière économique. La gratuité ne peut suppléer l'appétit, le livre ne fait pas la lecture et encore moins le plaisir pour la pratique... Qu'est-ce que la lecture définie par le soutien public dont elle bénéficie ? La distribution des Chèques-lire au salon captera un public déjà en partie sensibilisé puisque présent (y compris si c'est dans le cadre scolaire) : est-ce bien l'objectif ? Cette politique ne relève-t-elle pas autant du soutien à l'édition que de promotion de la lecture ? Devant ces interrogations et les enjeux de leurs réponses, il serait intéressant d'enquêter auprès des bénéficiaires de cette politique. Il faudrait pouvoir se transformer en petite souris et observer la vie de ces milliers de chèques-lire qui vont circuler dans et hors du salon du livre. Combien vont finir dans une poche de jean, une poubelle, un livre...? Quels types de livres seront acquis ? Combien de romans ados ? De BD ? De mangas ? Cela aidera-t-il à l'achat de livres obligatoires pour la scolarité ou, au contraire, à financer des lectures profondément personnelles et en rupture avec le cadre scolaire ? Comment les jeunes perçoivent-ils la démarche ? Restent-ils à un niveau instrumental (« c'est cool »!) ? S'amusent-ils des efforts déployés par les adultes pour maintenir la lecture dans sa définition par le support papier et lutter ainsi contre leur ringardisation ? Toutes ces questions mériteraient des réponses. Y a-t-il un sociologue dans la salle ?
15.10 2013

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