Télévision

J’essaie toujours d’inviter une locomotive", explique François Busnel qui lance la saison de "La grande librairie" jeudi 4 septembre à 20 h 35 sur France 5, avec Amélie Nothomb. "Totem" de l’émission - il la reçoit chaque année depuis sa toute première émission littéraire en 1996 sur BFM, alors qu’"elle n’était pas encore très connue" - celle-ci "fait partie des écrivains contemporains qui ont et font une œuvre". Mais au-delà de cette fidélité superstitieuse, la présence de la romancière grand public lui permet "d’inviter des gens peu connus" : grâce à elle, Colum McCann, Hélène Frappat et Pierre Lemaitre, reçus pour la première émission l’an dernier, ont fait un "démarrage en flèche" dans les ventes. On connaît la suite pour Pierre Lemaitre. "Il faut d’abord un socle", insiste le journaliste, heureux d’avoir pour "client" régulier Jean d’Ormesson ou Erik Orsenna, qui "rassurent et fédèrent un large public", en même temps qu’ils parlent bien des livres des autres invités : "ils les ont lus et sont très généreux". Redoutant la cacophonie, la polémique, "la petite phrase assassine", il laisse quinze minutes d’antenne à chacun de ses invités, à la vedette comme aux autres, voire même aux "taiseux" comme Christian Bobin, Charles Juliet, Jean Echenoz ou Patrick Modiano, "piliers de l’émission" : "Je laisse le temps à chacun de trouver le mot juste, de marquer un silence, même en première partie de soirée. Le public le sait et s’y attend. C’est vraiment une émission au service du livre." Elle le doit à son producteur : "Je veux restaurer l’idée que la lecture est un plaisir, une joie." Attaché à révéler "comment une alchimie peut se créer pour faire du beau avec de l’inutile, comme la musique, la poésie ou la philosophie, sans rentabilité immédiate mais pour donner une vue sur le monde, parfois mieux que les experts et les politiques", François Busnel veut cibler l’auteur "capable de mettre les mots justes sur l’indicible". Mais "la chose fondamentale" pour la composition de son plateau prend en compte le livre qu’il voudrait voir en tête des meilleures ventes : "C’est mégalo, mais j’assume", reconnaît-il.

 

En résistance.

Evoquant parmi ses lectures fondatrices le Cyrano de Rostand - "il m’a donné une passion irrésistible pour la liberté, quitte à en payer le prix fort" - ou Le seigneur des anneaux - "un choc absolu", au point de préparer un documentaire sur Tolkien pour France 5 (1), François Busnel veut même faire plus encore pour inciter les gens à lire. "Les livres qui ont changé votre vie", vaste opération qu’il lancera le 4 septembre, invitera les téléspectateurs à parler de leur lecture fétiche. "Je suis persuadé qu’un livre vous ébranle, vous émeut. Et je veux montrer que les livres servent à nous changer. Plus on lit de fiction, mieux on est armé pour affronter la vie." Les 20 livres les plus cités seront révélés et commentés le 11 décembre, lors d’une spéciale de deux heures en présence de comédiens. Et avec l’aide des libraires, bien sûr. Présents dans chaque numéro de "La grande librairie" avec leurs coups de cœur, ils sont 13 000 abonnés à la newsletter de l’émission grâce à laquelle ils anticipent leurs commandes. "Ils ont toujours de bonnes idées. On fait le même métier, on est des passeurs, rien d’autre", dit encore François Busnel, "biberonné par "Apostrophes" et "Le grand échiquier"", dont les célèbres animateurs restent ses modèles : "On ne se prend pas pour des critiques mais on essaye, avec des mots simples, de contaminer lecteurs et spectateurs", ajoute-t-il avec humilité. Humble, François Busnel ? On finirait par le croire, même si persiste l’idée de son indifférence, voire de son mépris, pour les gens de l’édition. "Je ne suis pas un modèle de vertu, mais je passe mon temps à lire et je n’en ai pas à consacrer aux rendez-vous d’éditeurs. Cela diminue très largement la pression", dit encore celui qui s’assume comme le seul responsable du choix de ses invités. Pour préparer son direct du jeudi, il lit "chaque matin de 8 heures à 13 heures avant de gagner l’après-midi son bureau de Lire ou de Rosebud". Autrefois, il y avait même celui de France Inter. "Aujourd’hui, il faut savoir être multimédia", admet-il. Et à chaque média sa vertu : "La presse écrite autorise la grande histoire et la critique en profondeur, la radio favorise l’entretien au très long cours mais la télévision permet d’allumer la mèche, l’étincelle auprès d’un public plus large en faisant le pari de lui faire acheter le livre." En favorisant bien sûr le roman "peu présent à la télévision". "J’apprends tous les jeudis soir. Je ne sais pas définir la littérature : elle n’est pas réductible à une définition statique." Modeste, avec ça. "La lecture du Livre I de la Métaphysique d’Aristote, découvert lors de mon premier cours de philo, a changé ma vie : "Au commencement était l’étonnement", écrit-il. Avec la littérature, on s’étonne, on lit et on va voir. L’époque est au sarcasme, il est de bon ton d’être blasé. Je suis en résistance totale face à cela et le libraire est un résistant depuis des années. J’essaie d’apporter de l’eau au moulin de cette résistance. La littérature est faite pour vivre et non pour se divertir ou se cultiver." Pour partir à la découverte et faire découvrir les romanciers étrangers aux téléspectateurs, il leur offre ses "Carnets de route", "une espèce de "Faut pas rêver" qui plonge dans l’univers d’un écrivain étranger", le sien ou celui de ses personnages. "La grande librairie" a réussi à montrer, pour sa 7e saison, qu’on peut parler de livres à la même heure que les films programmés à 20 h 30. Avec une audience stable selon la direction des magazines de France 5 dans un contexte difficile, elle touche même les jeunes "avec de plus en plus de classes dans le public de l’émission". Du coup, François Busnel vient de proposer à France 4 de produire et animer "La petite librairie" pour les jeunes. 

 

(1) Diffusion le 5 décembre à 20 h 35.

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