Royaume-Uni

L’institut Warburg, lieu hautement historique par les fonds qu’il abrite, était menacé de disparition. Son ennemi: la finance.

La Haute Cour du Royaume-Uni, chargée de décider si l’université de Londres a rempli les engagements souscrits lorsque cette bibliothèque fut placée sous sa coupe en 1944, a sauvé l’institution, jeudi 6 novembre. Même si l’université de Londres a d’ores et déjà fait appel de cette décision, cette institution, de dimension modeste –mais mondialement connue– s’intéresse aux racines de la modernité et de la science européenne, vient de passer bien près de la disparition.  

Le jugement a clairement établi que l’institution a rempli les engagements qu’elle avait souscrits lors de sa mise sous tutelle en 1944. La Haute Cour a estimé que le fonds de la bibliothèque ne devait pas être dispersé et que l’université de Londres doit continuer à financer ses activités. 
 
Selon le Times Higher Education, l’Université de Londres avait remis en question le pacte historique qui la liait à l’Institut depuis 1944, à cause des pertes financières (600 000 € l’an dernier). Pendant cinq ans, les négociations entre l’Université et l’Institut n’ont jamais abouti, et le bras de fer s’était poursuivi en justice. Beaucoup craignaient la dispersion d’un fonds inestimable qui avait déjà été sauvé du joug nazi en 1933.
 
La cause principale qui a assombri l’avenir du Warburg tient à la spéculation immobilière folle qui s’est emparée de la capitale britannique ces dernières décennies. La moitié de la dotation annuelle allouée à l’Institut est aujourd’hui absorbée par son loyer, devenu phénoménal.
 
Un joyau de la culture européenne
 
A sa naissance, cette bibliothèque était située dans la villa même d’Aby Warburg à Hambourg, polygraphe héritier d’une lignée de banquiers. Il avait obtenu de sa famille la promesse de pouvoir acquérir tous les ouvrages qu’il voudrait. La collection avait grossi au rythme de ses intérêts: Botticelli, la Renaissance, l’occultisme, la Première Guerre mondiale, l’antisémitisme…
 
En 1926, la bibliothèque, qui se double d’un institut de recherche, s’installe dans ses propres murs sous le nom de Bibliothèque Warburg des sciences de la culture, et appartient à l’université de Hambourg. Mais les circonstances jettent bientôt l’institut et ses chercheurs à la recherche d’un nouveau toit. Une nuit de décembre 1933, la collection est embarquée en grand secret sur deux bateaux à vapeur qui l’emportent vers l’Angleterre, à l’heure où les autodafés embrasent les universités allemandes.
  
Bien que le nomadisme soit une particularité de cette bibliothèque, le scénario du déménagement est désormais écarté. Car l’esprit du lieu, tout autant que sa collection, attire les intellectuels du monde entier. Le philosophe et historien d’art Georges Didi-Huberman le décrit comme un “placenta spirituel extraordinaire”. “La bibliothèque Warburg est schizoïde: elle rassemble des sources et produit du sens par leur collision », explique-t-il.

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