5 mars > nouvelles France

Un jour, ils sont partis. En Asie, à Londres, à Hollywood, au bord du Pacifique ou à Paris. Loin, quoi qu’il en soit, puisqu’ils partagent avec leur auteur la conviction que, passé Narbonne et les monts du Roussillon, c’est toujours le bout du monde. Ils savent aussi avec Barthes, qu’"il n’est pays que de l’enfance". Ce qui suit n’est jamais qu’une session de rattrapage.

Régis franc- Photo VALENTINE/FAYARD

Eux, ce sont les héros de Jamais les papillons ne voyagent, le premier recueil de nouvelles de Régis Franc. Soit une admirable collection de losers magnifiques, d’hédonistes navrés, de "vitelloni" languedociens, d’étoiles mortes aux lumières passées, de voyageurs sans bagages encombrés par trop de souvenirs. Une très jolie bande de bras cassés. Vingt histoires pour vains personnages…

Franc s’y est toujours entendu pour camper en quelques phrases un décor qui serait comme un état d’âme. Il a commencé voici près de quarante ans en révolutionnant en douceur la bande dessinée avec un Café de la plage où se retrouvaient la Recherche et les Peanuts. Puis, il a trimballé sa mélancolie pince-sans-rire et plaisamment vernaculaire (on ne devrait jamais quitter Lézignan-Corbières ?) sur les plateaux de cinéma et, depuis désormais son exil londonien, dans les pages de livres qui n’ont l’air de rien d’autre que ce qu’ils sont : des invitations au voyage à la grâce toute d’"understatement". Pour les familiers de l’œuvre, ces nouvelles condensent l’art de Franc et résolvent, on espère définitivement, la question de savoir ce qui chez lui demeure du dessinateur et ce qui le révèle comme écrivain. Il suffit de savoir lire, de savoir regarder, pour constater qu’il est les deux. Et que sans doute, il l’a toujours été. Il faut ça pour camper ainsi une fille à peine entrevue, des jeunes gens dans une Floride en route pour la plage, un gamin juché sur un poteau télégraphique du Languedoc convaincu de voir la tour Eiffel, la jet-set ou ce qu’il en reste jet-laguée du côté de la Thaïlande ou, dans un texte sublime de concision émue, le nez de Bernard Frank. A chaque page, Franc régale. O. M.

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