Solidarité face à la crise

Solidarité face à la crise

Dans un contexte économique très tendu, les petites maisons imaginent d'autres manières d'exercer leur métier d'éditeur, en misant en particulier sur la mutualisation des moyens.

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Par Claude Combet
avec Créé le 30.10.2014 à 11h36 ,
Mis à jour le 23.04.2015 à 10h06

Mélanie Decourt et Laurence Faron, cofondatrices de Talents hauts.- Photo PHOTOS : OLIVIER DION

En temps de crise, il faut redoubler ses efforts pour être présent, pour défendre ce que l'on fait", s'exclame Mathilde Davignon, des éditions des Braques, spécialisées dans les livres-CD et diffusées par Harmonia Mundi. Dans un contexte économique difficile, les petits éditeurs jeunesse, à la trésorerie fragile, cherchent des voies pour résister. "Je crois à la mutualisation des moyens. Quand les temps sont durs, il faut se serrer les coudes et réunir nos forces", déclare pour sa part Brigitte Stephan. L'éditrice qui a repris il y a trois ans Le Baron perché, diffusé et distribué par le CDE et la Sodis, édite des albums et la collection "Comment parler d'art aux enfants". A son initiative, HongFei Cultures et Talents hauts (toutes deux diffusées par Volumen), avec lesquelles elle a noué "une amitié au Salon de Saint-Paul-les-Trois-Châteaux", ont organisé en septembre avec Le Baron perché une rencontre avec les libraires. Chaque maison y a présenté sa ligne éditoriale et ses nouveautés, et un auteur-illustrateur.

Chun-Liang Yeh et Loïc Jacob de HongFei Cultures.- Photo PHOTOS : OLIVIER DION

"Certains libraires ne connaissaient pas nos livres, dont les histoires issues de la tradition chinoise sont illustrées par des artistes français : cela devrait les aider à les vendre", note Loïc Jacob, fondateur avec Chun-Liang Yeh de HongFei Cultures. "La petite taille de nos maisons nous donne à la fois souplesse et réactivité : nous avons décidé de la réunion en juin et l'avons organisée en septembre. L'expérience a été très positive", commente Mélanie Decourt, fondatrice de Talents hauts avec Laurence Faron. Les trois partenaires ont renouvelé l'expérience en prenant un stand commun à la Fête de l'Humanité. "Cela permet de réduire les coûts, d'avoir un stand plus grand et davantage de visibilité", précise Brigitte Stephan

ÊTRE PRÉSENTS

Natalie Vock-Verley, éditions du Ricochet.- Photo PHOTOS : OLIVIER DION

Au Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, Le Baron perché partagera son stand avec la petite maison de poésie A dos d'âne, tandis que les éditions du Ricochet (diffusion EDI) partageront le leur avec Picquier Jeunesse. "Je rêverais de faire une tournée des grandes villes de France, d'aller à Lyon ou à Marseille pour rencontrer les libraires. On peut aussi imaginer partager d'autres services comme ceux de l'expert-comptable, d'un coursier, de La Poste... Mais il faut des maisons de taille équivalente pour que ça fonctionne", ajoute Brigitte Stephan.

Brigitte Stephan, Le Baron perché.- Photo PHOTOS : OLIVIER DION

De son côté, HongFei Cultures essaie de créer l'événement autour de ses illustrateurs qui sont aussi peintres : une exposition dans une galerie ou une médiathèque est l'occasion de défendre les livres de l'artiste, avec un rayonnement régional. Pour Talents hauts, l'une des solutions est aussi de développer d'autres réseaux de diffusion. "Nous cherchons à toucher le milieu scolaire, difficile à pénétrer, d'autant plus que les enseignants sont habitués aux spécimens envoyés par les grandes maisons. Pourtant, notre ligne éditoriale - lutte contre le sexisme, bilinguisme- les intéresse", raconte Mélanie Decourt.

Mathilde Davignon, éditions des Braques.- Photo PHOTOS : OLIVIER DION

Construire un réseau, être présents sur les petits salons des CDDP et CRDP et faire appel à Apologue Diffusion, qui défend de nombreuses petites maisons pour la jeunesse en milieu scolaire, ont été les outils mis en place. "Dans ce contexte, on mise encore plus que d'habitude sur l'international. Nous sommes allées à Abu Dhabi et nous avons été présents sur toutes les manifestations jeunesse du Bief. Nous avons un nouvel agent au Japon, en Espagne et au Brésil", déclare Natalie Vock-Verley, qui a rejoint il y a trois ans Marguerite Tiberti, fondatrice des éditions du Ricochet.

AUSSI IMAGINER PARTAGER D'AUTRES SERVICES COMME CEUX DE L'EXPERT-COMPTABLE, D'UN COURSIER, DE LA POSTE... MAIS IL FAUT DES MAISONS DE TAILLE ÉQUIVALENTE POUR QUE ÇA FONCTIONNE", AJOUTE BRIGITTE STEPHAN.DE SON CÔTÉ, HONGFEI CULTURES ESSAIE DE CRÉER L'ÉVÉNEMENT AUTOUR DE SES ILLUSTRATEURS QUI SONT AUSSI PEINTRES : UNE EXPOSITION DANS UNE GALERIE OU UNE MÉDIATHÈQUE EST L'OCCASION DE DÉFENDRE LES LIVRES DE L'ARTISTE, AVEC UN RAYONNEMENT RÉGIONAL. POUR TALENTS HAUTS, L'UNE DES SOLUTIONS EST AUSSI DE DÉVELOPPER D'AUTRES RÉSEAUX DE DIFFUSION. "NOUS CHERCHONS À TOUCHER LE MILIEU SCOLAIRE, DIFFICILE À PÉNÉTRER, D'AUTANT PLUS QUE LES ENSEIGNANTS SONT HABITUÉS AUX SPÉCIMENS ENVOYÉS PAR LES GRANDES MAISONS. POURTANT, NOTRE LIGNE ÉDITORIALE - LUTTE CONTRE LE SEXISME, BILINGUISME- LES INTÉRESSE", RACONTE MÉLANIE DECOURT.CONSTRUIRE UN RÉSEAU, ÊTRE PRÉSENTS SUR LES PETITS SALONS DES CDDP ET CRDP ET FAIRE APPEL À APOLOGUE DIFFUSION, QUI DÉFEND DE NOMBREUSES PETITES MAISONS POUR LA JEUNESSE EN MILIEU SCOLAIRE, ONT ÉTÉ LES OUTILS MIS EN PLACE. "DANS CE CONTEXTE, ON MISE ENCORE PLUS QUE D'HABITUDE SUR L'INTERNATIONAL. NOUS SOMMES ALLÉES À ABU DHABI ET NOUS AVONS ÉTÉ PRÉSENTS SUR TOUTES LES MANIFESTATIONS JEUNESSE DU BIEF. NOUS AVONS UN NOUVEL AGENT AU JAPON, EN ESPAGNE ET AU BRÉSIL", DÉCLARE NATALIE VOCK-VERLEY, QUI A REJOINT IL Y A TROIS ANS MARGUERITE TIBERTI, FONDATRICE DES ÉDITIONS DU RICOCHET. PAS DE MOROSITÉ

Si la crise est bien là et si les éditeurs tendent à réduire leur présence physique sur les salons et à ajuster les tirages, comme le souligne Mathilde Davignon, aucun d'entre eux ne se laisse aller à la morosité, ni ne souhaite réduire les investissements éditoriaux et de fabrication. Dans leur troisième année d'activité, Le Baron perché, Talents hauts et les éditions des Braques enregistrent un chiffre d'affaires en progression, grâce à une plus grande notoriété, notamment auprès des libraires. HongFei Cultures et Ricochet admettent que le changement de diffuseur les a aidés à passer un cap difficile. Le Baron perché augmente même sa production et passe de >16 à >24 titres cette année, "afin d'être plus visible sur le marché", et HongFei Cultures de >7 à >10 >titres, "mais uniquement parce que notre trésorerie le permet", souligne Loïc Jacob. "La crise nous oblige à être attentifs. Nous mettons de l'argent dans le développement, dans la qualité des livres", souligne Brigitte Stefan. "Nous avons gagné en notoriété, les auteurs et illustrateurs nous sollicitent. Maintenant, il faut transformer l'essai", confirme Mathilde Davignon, qui prépare son premier ebook enrichi.

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