Avant-critique Roman

Abir Mukherjee, "Le soleil rouge de l'Assam" (Liana Levi)

Abir Mukherjee - Photo © Francesco Notarnicola

Abir Mukherjee, "Le soleil rouge de l'Assam" (Liana Levi)

Abir Mukherjee poursuit sa passionnante saga policière et humaniste dans les dernières années du Raj britannique.

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Par Jean-Claude Perrier,
Créé le 03.02.2023 à 09h00 ,
Mis à jour le 03.02.2023 à 12h25

Les fantômes du passé. Né dans une famille de Bengalis de Calcutta immigrés en Angleterre, élevé en Écosse, Abir Mukherjee est aussi indien et aussi british que son compatriote Rishi Sunak, Premier ministre de Sa Majesté. Après avoir travaillé dans la City, il s'est lancé en 2016 dans l'écriture avec une série de romans policiers situés dans l'Inde anglaise des années 1919 à 1947. Soit depuis la fin de la guerre de 14-18 - qui a laissé de graves séquelles sur l'un des deux héros, le narrateur, le capitaine Wyndham, officier de police à Calcutta - jusqu'à l'indépendance, au terme d'un lent délitement et d'une montée en puissance de la volonté de liberté incarnée par le Mahatma Gandhi et son premier disciple, Nehru, figures majeures du parti du Congrès national indien. Mukherjee en est au quatrième volume de sa saga - combien en comprendra-t-elle en tout ? Le soleil rouge de l'Assam est un peu particulier par rapport aux précédents, ainsi que l'auteur l'explique dans un post-scriptum de 2019. Jusqu'au chapitre 28 (sur 34), l'intrigue est bifide. Au présent, nous sommes en février 1922, à Jatinga, un village perdu de l'Assam coincé dans les montagnes, bien loin de Calcutta. C'est là que, seul, Wyndham est venu suivre une cure de dix jours extrêmement pénible dans un monastère bouddhiste, afin de se sevrer de son addiction pathologique à l'opium. Pour lui, c'est un moyen d'oublier les horreurs de la guerre qu'il a vécue. Mais c'est aussi un grave facteur d'autodestruction.

Parallèlement, on se transporte à Londres, en 1905, où Wyndham, alors jeune et simple agent de police, a été mêlé à une enquête sur une série de crimes commis dans les rues les plus misérables de l'East End. La première victime, Bessie, était la domestique d'un certain Jeremiah Caine, un homme d'affaires sans scrupule. Wyndham avait entretenu une brève liaison avec elle. Est-ce son mari, un voyou poivrot, qui l'a tuée, ou bien son patron qui l'a fait assassiner, parce qu'elle avait découvert un secret le concernant ? C'est la conclusion à laquelle parvient la police. Mais Caine s'échappe...

Dix-sept ans après, à Jatinga, Wyndham, guéri de son addiction, retrouve, stupéfait, ce même Caine, devenu cette fois le riche et craint Ronald Carter, marié à la belle Emily, laquelle ne laisse pas notre héros insensible. Parviendra-t-il enfin, cette fois, à coincer Caine/Carter et à lui faire payer ses crimes ? Wyndham est pour cela aidé de son indispensable adjoint le sergent Satyendra, tiraillé entre son patriotisme - disciple de Gandhi, il s'habille en dhoti de coton blanc made in India lorsqu'il n'est pas en service - et sa loyauté à son supérieur, qu'il estime et admire mais sans obséquiosité aucune.

Grâce à l'art consommé d'Abir Mukherjee de bâtir une intrigue, les parallèles se sont rejointes. Mais au-delà du roman, l'auteur a voulu écrire sur la fraternité, sur l'espoir que dans son pays, le Royaume-Uni, comme partout ailleurs, le nationalisme et le populisme ambiants ne vont pas fracturer un peu plus nos sociétés, et que les immigrés ne seront plus les boucs émissaires de tous les maux. Que Ganesh l'exauce.

Abir Mukherjee
Le soleil rouge de l'Assam Traduit de l’anglais (Écosse) par Fanchita Gonzalez-Batlle
Liana Levi
Tirage: 8 000 ex.
Prix: 21 € ; 416 p.
ISBN: 9791034907250

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