«C'est important pour moi de donner de l'espoir à mes communautés, de leur donner une certaine forme d'agentivité. » L'autrice et réalisatrice Amandine Gay, depuis son premier documentaire Ouvrir la voix jusqu'à ce dernier livre, Vivre, libre, et sa toute récente série Ballroom, donne à voir et à entendre des communautés invisibilisées en France : les femmes noires, les personnes originaires de l'étranger adoptées, les personnes queers racisées de la scène parisienne des ballrooms... Amandine Gay se déplace entre différents médiums pour traduire sa pensée pluriverselle autour du genre, de la race, de la classe et des rapports de dominations structurels qui imprègnent la société française, notamment des adultes sur les enfants. D'abord intéressée par le cinéma, elle s'est vite aperçue, en tant qu'actrice, que sa couleur de peau n'inspirait aux réalisateurs que des rôles stéréotypés, et en tant qu'autrice de scénarios, que les personnages qu'elle développait ne correspondaient pas à la norme attendue. C'est ce qui l'a motivée, à partir de 2014, à réaliser le documentaire Ouvrir la voix, dans lequel vingt-quatre femmes noires racontent leur parcours et leur expérience quotidienne du racisme et du sexisme depuis l'enfance. En 2021 paraît son deuxième documentaire, Une histoire à soi, où elle donne la parole à des enfants originaires du Brésil, du Sri Lanka, du Rwanda ou encore de l'Australie, adoptés en France. La même année, Amandine Gay publie son premier essai autobiographique, Une poupée en chocolat (La Découverte), où elle raconte sa propre expérience : enfant noire née sous X, Amandine Gay est adoptée par un couple blanc de la campagne lyonnaise issu de classe moyenne (sa mère est institutrice, son père est cantonnier). « J'ai toujours mené de front les questions raciales et de classe », explique-t-elle, « et si je me suis beaucoup mobilisée publiquement sur les questions raciales, c'est parce qu'on est dans un pays où même la narration des milieux progressistes priorise la classe. » Dans Vivre, libre, elle pointe du doigt les situations problématiques que génère la suprématie blanche, alimentées par des acteurs qui semblent ne pas s'en rendre compte. Entremêlant les faits historiques, les analyses anthropologiques et philosophiques, les récits personnels ou d'amies, des extraits de textes littéraires, Amandine Gay présente des éléments très concrets pour « interroger sa blanchité, conscientiser son entourage, être présentes lors de manifestations contre les violences policières, etc. » Ce livre marque un tournant dans sa carrière. Car à 40 ans, après ses deux longs-métrages et sa série documentaires, ses deux essais et de nombreuses participations à des ouvrages collectifs (Éloge des Mauvaises herbes, Décolonisons les arts !...), elle aimerait se déplacer du militantisme vers l'écriture de fictions (romanesques et cinématographiques), prendre un peu de distance et du temps pour ralentir, se reposer. « J'ai beaucoup tiré sur la corde et j'aspire maintenant à ce droit à la "belle vie" dont parle bell hooks. » Marie Fouquet

Vivre, libre
La Découverte
Tirage: 6500 ex.
Prix: 21 € ; 256 p.
ISBN: 9782348082702