Antoine Gallimard « choqué » par l'initiative d'Andrew Wylie

Antoine Gallimard (c) O.Dion / LH

Antoine Gallimard « choqué » par l'initiative d'Andrew Wylie

Dans un entretien à LivresHebdo.fr, le nouveau président du SNE annonce la réunion en septembre d'une commission associant auteurs et éditeurs, consacrée au problème du partage des droits d'auteur.

avec ag Créé le 30.01.2014 à 09h24

Il y a une semaine, le très influent agent littéraire Andrew Wylie provoquait la colère et la consternation des éditeurs américains en lançant sa propre maison, Odyssey Editions, et en annonçant la signature d'un contrat d'exclusivité d'une durée de 2 ans avec Amazon pour la distribution, au format numérique, de titres déjà publiés par ses clients les plus prestigieux (voir actualité du 23 juillet). Dans la liste de 20 ouvrage publiée sur le site d'Odyssey, figurent entre autres les noms de Philip Roth, John Updike, Orhan Pamuk, Salman Rushdie ou Norman Mailer.

P-DG des éditions Gallimard, élu à la présidence du SNE le 24 juin dernier, Antoine Gallimard nous fait part des réflexions que lui inspire cette crise révélatrice des enjeux économiques de l'édition numérique.

Livres Hebdo - En tant que président du SNE, comment réagissez vous à l'« affaire Wylie » ?

Antoine Gallimard - Cette affaire nous consterne et nous choque. En créant sa propre structure éditoriale, l'agent Andrew Wylie se positionne en concurrent direct des éditeurs de ses propres clients. Un autre aspect du problème est celui de la distribution. Au SNE, nous sommes très attachés à la multiplicité des canaux de vente. Or, la signature par Wylie d'un contrat d'exclusivité pour deux ans avec Amazon contredit tout à fait cette logique. Notre inquiétude est de voir se renforcer la position d'Amazon, d'ores et déjà dominante aux Etats-Unis.


LH - Face à ce coup de force, quelle doit être selon vous la position des éditeurs ?

A. G. -
Nous souhaitons que les éditeurs gardent le contrôle sur le prix de vente de leurs livres. Or, sur la plateforme d'Amazon, les ouvrages seront vendus à 9,99 dollars le volume quel que soit le nombre de pages ou le travail réalisé pour sa production.
Wylie semble oublier que les ventes de livres numériques sont encore très dépendantes de celles des livres papier. Le marché du numérique est encore dans une large mesure un « parasite » du marché du livre traditionnel. C'est sur le livre papier que se fait l'essentiel du travail éditorial, dont l'édition numérique se contente ensuite d'exploiter la valeur ajoutée.


LH - Une crise identique vous semble-t-elle envisageable en France ?

A. G. -
Tout à fait, c'est une possibilité sérieuse. Heureusement, une part significative des éditeurs français ont souhaité rester propriétaires des droits électroniques de leurs livres, à l'inverse des Etats Unis, où ces droits reviennent le plus souvent aux agences et aux auteurs. Cette particularité française est un important garde-fou.


LH - Quelles leçons tirez-vous de cette affaire ?

A. G. -
Pour le SNE, deux aspects importent. Tout d'abord, la question de la propriété intellectuelle. A nos yeux, les droits électroniques sont des droits principaux, dont l'exploitation doit normalement revenir aux éditeurs.
L'autre aspect du problème concerne le partage équitable des droits entre auteurs et éditeurs. Une commission associant le SNE et la SGDL travaillera à partir de septembre prochain sur cette question, et sera composée d'une dizaine de membres.

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