11 JANVIER - ROMAN Grande Bretagne

A.S. Byatt- Photo SIPKE VISSER/FLAMMARION

Si l'on ne fait pas forcément de grands romans avec de bons sentiments, on peut parfois en faire avec de grandes idées. C'est tout l'objet du talent singulier et prométhéen d'Antonia S. Byatt, qui dans le paysage postmoderne de la littérature anglaise contemporaine érige depuis Possession (Flammarion, 1993) une cosmogonie faussement néoclassique, authentiquement savante et résolument passionnante. Peut-être toutefois n'avait-elle jamais poussé son projet romanesque jusqu'à ses dernières extrémités ainsi qu'elle le fait dans cet ample et majestueux Livre des enfants.

De quoi s'agit-il ? D'enfants donc, et de leurs parents, d'artistes et d'artisans, des privilèges de la fiction et des obstacles de l'Histoire, dans l'Angleterre edwardienne des années 1895 jusqu'à la Première Guerre mondiale. Byatt peint, sans pitié mais avec bienveillance, un groupe de ce que l'on appellerait de nos jours des "bobos", réunis autour du mouvement "Arts & craft" (dont Wilde ou Rodin furent les figures tutélaires) et guidés par une même exigence de justice sociale. Le personnage central du livre, Olive Wellwood, est un célèbre auteur de romans et de contes pour la jeunesse (dont la figure est sans doute inspirée de celle, trop oubliée, d'Edith Nesbit, l'auteure du Secret de l'amulette, grande conteuse, militante socialiste et inspiratrice de C. S. Lewis ou J. K. Rowling). A. S. Byatt brode avec une maîtrise époustouflante un motif dense autour de la création littéraire et de la nécessité du merveilleux. Les créatures de Lewis Carroll ou de James Matthew Barrie ne sont pas loin, pas plus que les romans d'Angela Carter. Antonia Byatt a beau se tenir joliment solitaire parmi ses pairs, elle est plus que jamais en flatteuse compagnie.

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