Nouvelles/France 4 avril Arthur H

D'une initiale, il s'est fait un nom. Le premier des trois enfants de Jacques Higelin, né en 1966, est depuis longtemps Arthur H, musicien et interprète accompli. C'est sous cette identité d'artiste, singulière, qu'il joue pour la première fois ces variations autobiographiques accueillies par Colette Fellous dans sa collection « Traits et portraits ». Réfugié dans la solitude spartiate d'une « ancienne roulotte de cirque qui fut également un bar », « sur le bord d'un champ en friche », Arthur H raconte trois fugues initiatiques, des expériences inaugurales d'affranchissement. Il se confie à un interlocuteur qui n'est autre que Johann Sebastian Bach, ou plutôt l'hologramme du compositeur qui s'exprime dans un curieux sabir d'allemand francisé, d'anglais germanisé. Bach qui représente pour Arthur H un rêve en train de se réaliser. Lui, « l'autodidacte », qui a appris la musique à l'oreille et la lit mal, s'est mis à « explorer les élégantes architectures mouvantes » du génial musicien, tout en se plongeant dans sa vie.

Le récit d'Arthur H célèbre le goût des échappées, une affaire de famille. Et déchiffre l'art de la fugue, transmis de mère en fils. Car la première à avoir croisé « le démon de la fuite », est l'un des membres de sa Brigade légère, comme il appelle ses proches dans une chanson de son dernier double album : sa mère, Nicole, la « boxeuse amoureuse », adolescente à fleur de peau et mélancolique, qui le jour de ses 18 ans, dans la nuit du 27 au 28 mars 1958, a quitté sans prévenir, avec quatre amis, le domicile de ses parents à Argenteuil, en banlieue parisienne, « prison à ciel ouvert » où elle s'étiolait. Ces jeunes banlieusards imaginaient construire un radeau pour rejoindre Tahiti. Ce sera le maquis corse où ils découvriront l'infini du ciel, puis un village du centre de l'île où les « Desperados » en rupture vont vivre pendant quelques mois « une aventure édénique infernale ». 

Vingt-cinq ans après cet épisode, à la fin des premières vacances qu'Arthur passe avec Jacques H, en Guadeloupe, c'est lui qui à son tour rompt les amarres. Il a 15 ans. Deux jours avant de remettre à son petit frère un mot de quelques lignes destiné à leur père pour expliquer qu'il ne rentrera pas à Paris avec eux, il a eu une illumination dans le jardin de la maison de Coluche, après avoir mangé une omelette aux champignons hallucinogènes. L'intuition qu'il lui fallait partir pour trouver sa propre route. Pour lui, comme pour sa mère, il n'y aura pas de retour en arrière. « La fugue est une expérience fondatrice qui imprime le subconscient au fer rouge. » Si le fameux père est présent dans ces Fugues, dépeint avec une gratitude sincère mais un peu à distance, l'admiration reconnaissante va à Nicole, la jeune fille rebelle. Parmi les documents intimes les plus émouvants qui accompagnent le récit, les lettres, reproduites en fac-similé et pour certaines intégralement retranscrites, qui se font écho. « Nous sommes des sortes de vagabonds libres, joyeux presque toujours car nous savons que, pour vivre en commun, la bonne humeur doit régner », écrit de Corse, à sa mère adorée, Nicole qui adressera des années plus tard, en novembre 1982, à «[son] cher fils » une courte lettre, simple et magnifique déclaration de confiance. Derrière l'autoportrait esquissé, c'est surtout un bel hommage qu'Arthur H rend à cette mère, artiste de la fugue, donc de la liberté. 

Arthur H
Fugues
Mercure de France
Tirage: 7 000 ex.
Prix: 19 euros ; 192 p.
ISBN: 9782715249981

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