Bertrand de Saint Vincent, "Nocturne français" (Grasset) : Chroniques martiennes

Portrait de bertrand de Saint-Vincent, journaliste du Figaro. Paris le 05/04/2022 Photo François Bouchon / Le Figaro - BERTRAND DE SAINT VINCENT - Photo © François Bouchon / Le Figaro

Bertrand de Saint Vincent, "Nocturne français" (Grasset) : Chroniques martiennes

<b>Bertrand de Saint Vincent</b>, en observateur amusé et mélancolique de quelques gloires du moment.

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Par Jean-Claude Perrier
Créé le 19.05.2022 à 11h00

Si, comme le disait le regretté Éric Holder « la chronique est un genre patiné », alors Bertrand de Saint Vincent est un as du patinage artistique. Après Tout Paris (Grasset, 2011), voici un nouveau recueil de ses chroniques, soixante-seize, plus une préface désabusée et grave, époque oblige. « J'ai joué de la plume comme un valet du plumeau : pour balayer la poussière », écrit Saint-Vincent. On pense aussi, dans la Rome antique, à cet esclave qui, juché à l'arrière du char d'un général victorieux, était là pour lui répéter (en VO latine) : « memento mori ». Comme la vie humaine, même celle des plus grandes stars, la chronique est un art de l'éphémère, et bien peu méritent d'être gravées dans un livre. C'est pourtant le cas de celles-ci.

Toutes proportions gardées, et parce que Saint Vincent, après des débuts au Quotidien de Paris de Philippe Tesson (qu'il salue ici au passage), officie depuis des lustres au Figaro, on pense à Proust, son illustre prédécesseur, qui y rôda sa plume et récidiva, jusqu'à la fin de sa vie, avec assiduité. Ses recueils Les plaisirs et les jours, Pastiches et mélanges, Chroniques en témoignent. Ce qui relie les deux écrivains, c'est la mélancolie, ce sentiment qu'au moment où on assiste à un événement (le cocktail du prix Goncourt de Houellebecq, un café en fin d'après-midi chez Modiano, Bruce Willis fait commandeur des Arts et Lettres par Aurélie Filippetti au ministère de la Culture, − « une farce provinciale », commente le chroniqueur −, ou encore une fête Dolce & Gabbana à Palerme), il s'est évanoui, comme ces étoiles filantes déjà éteintes depuis des siècles lorsque nous les voyons passer dans notre ciel. Et puis ce côté décalé, d'être comme un Martien sur une autre planète.

Ici comme chez les autres spécialistes du genre, tout réside dans le coup d'œil, l'art de saisir le détail qui fait sens, et le style, surtout, qui se doit d'être léger, subtil, ce qui n'exclut pas l'émotion. Passent ainsi Hermine de Clermont-Tonnerre, la princesse punk morte au guidon de sa Triumph, ou l'ami Wolinski, l'un des martyrs de Charlie Hebdo. Pour finir en beauté, on part un peu en voyage, à Moscou ou à New York. Mais c'était avant.

Bertrand de Saint Vincent
Nocturne français
Grasset
Tirage: 3 500 ex.
Prix: 20,90 € ; 304 p.
ISBN: 9782246801306

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