6 avril > Récit France > Tristan Savin

Si tout ce que raconte ici Tristan Savin est authentique - avec ces écrivains baroudeurs, épigones de Mac Orlan, Cendrars ou de Monfreid, on ne sait jamais -, alors ce gars serait capable de se faire mordre par un bulot sauvage à Paimpol, kidnapper par des trufficulteurs en colère dans le Luberon, ou de se blesser gravement durant un stage de macramé en Ardèche. On subodore aisément ce qui peut lui arriver lors de périples dans des destinations moins amènes. Tout en restant loin du compte.

Spécialiste autoproclamé des TDCDM (les trous du cul du monde), Savin sillonne la planète depuis quelques lustres, plutôt à la recherche d’endroits agréables, voire paradisiaques. Ce garçon est un hédoniste, amateur de jolies femmes, de tous les alcools créés par l’homme et de beaux havanes. Las, même en Polynésie, au lieu de profiter bien tranquillement des langueurs de Tahiti, le voici qui, pour avoir voulu explorer une île paumée, Raiatea, prétendu berceau de la civilisation polynésienne, bloqué sur son balcon durant une tempête, manque périr noyé ! Idem au Brésil. Quand il ne se fait pas racketter, il échappe à grand-peine à des fous furieux ou à des nymphomanes, ou succombe à des crises d’un méchant palu, contracté au Sénégal. Mais le vrai problème de notre ami, c’est qu’en dépit de millénaires de massacres par l’homme le monde est encore peuplé de myriades de saletés de bestioles, lesquelles ne demandent qu’à l’attaquer : mygale, blatte géante, moustiques, bien sûr, mais aussi ces féroces varans de Komodo (dans les îles de la Sonde, en Indonésie), par qui il a failli se faire croquer. Il n’y a guère que les paresseux qui, pour l’instant, ne lui veuillent aucun mal.

Peu importe s’il fabule, c’est le privilège de l’écrivain. Pour savoir le vrai, il faudrait interroger Patrick, son photographe attitré, obsédé sexuel, alcoolo à l’humour lourdingue et second Pied Nickelé de ce tandem détonnant. Il y a, chez Tristan Savin, un côté Paul Theroux, le travel-writer américain à qui, dès qu’il quitte son Boston natal, il n’arrive que des déboires. Une tendance au sacrifice, au martyre sur l’autel du reportage au long cours. On l’aura compris, ce livre, manuel d’anti-voyage joliment troussé, plein d’humour et d’autodérision, est un pur régal. Il donnerait presque envie de partir avec l’auteur, puisque, de toute façon, comme un paratonnerre, c’est lui qui attire sur sa tête toutes les calamités. Jean-Claude Perrier

 

Les dernières
actualités