8 janvier > Premier roman France

Ce Babylone underground, signé par une journaliste-documentariste, est un premier roman virtuose, assez surprenant. On peut le lire comme un récit d’aventures drolatiques, avec un point de départ farfelu : Gaston Galibert, marié à Vickie et père de jumeaux, est dans une situation économique critique. Pour s’en sortir, sa femme, une "menteuse compulsive", a une idée imparable : que Gaston se fasse passer pour mort, et elle touchera son assurance-vie. A charge pour lui de disparaître définitivement. Il accepte, le cœur lourd de quitter ses fils, de feindre de s’être perdu en mer. Grâce à Maggy, mère des travelos parisiens, il devient Marguerite Schwartz tout en restant un homme dans sa tête, et part refaire sa vie, d’abord à Buenos Aires, puis à Valparaiso, où il-elle va connaître des tribulations rocambolesques, mais aussi découvrir la misère, le danger, la violence, le racisme. Tour à tour commis d’épicerie clandestin chez des Chinois, petite main dans un restaurant japonais underground et non moins clandestin, habitué d’une synagogue des catacombes devenue boîte de nuit échangiste, prostitué pour retrouver Florencia, dont il est tombé amoureux, c’est toute une faune bigarrée qu’il côtoie, à laquelle il se mêle, pour survivre puis sauver sa peau. Maquereaux, flics ripoux, trafiquants de chair humaine hantent les bas-fonds de Buenos Aires et de Valparaiso, tristes tropiques.

Mais derrière cette espèce de thriller exotique haut en couleur, se dissimule une réflexion profonde sur l’identité d’un être. En effet, Gaston ne s’appelle Galibert que parce que sa famille, juive, a changé de nom pendant la guerre. Il se nomme en réalité Rosenbaum. C’est dire si redevenir officiellement juif, même sous un autre nom et un autre sexe, ceux de Marguerite Schwartz, une jeune Juive morte à 14 ans, est pour lui un choc. Le changement de sexe aussi, bien sûr. Alors qu’il n’éprouve aucune tentation homosexuelle, il va devoir accepter d’aller avec des hommes, tout en tombant, rhabillé en homme, amoureux d’un travesti.

Sans faire de grands discours, Eloïse Cohen de Timary bouscule pas mal de codes, tout en régalant son lecteur de ces ambiances, de ces personnages qu’elle excelle à faire partager, avec beaucoup d’empathie. J.-C. P.

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