Le 10 juin à Lyon, le cinéma Comœdia projettera, pour une soirée unique, Noyade, un film documentaire réalisé par le journaliste Denis de Montgolfier sur la lente agonie de la librairie lyonnaise Chapitre, connue sous son enseigne historique Flammarion. Durant une heure, le reportage retrace les sept derniers mois d’activité de l’établissement centenaire, qui a fermé ses portes le 10 février dernier dans le cadre de la liquidation du groupe Chapitre. Se démarquant des approches économiques, Denis de Montgolfier a privilégié la dimension humaine de l’événement. Construit sur les témoignages des salariés suivis au fil des mois dans leur quotidien, le film met en avant leur sentiment de dérive, à l’instar des livres que l’on voit, dans le reportage, flotter sur la Saône avant d’être engloutis. Le spectateur perçoit que la colère initiale des libraires, parfois même leur déni, laisse peu à peu place à la résignation et au découragement. Elue CGT au comité d’entreprise, Véronique Crouzet passe du sentiment d’"injustice" à celui de "gâchis". En poste depuis vingt-trois ans, Anne-Claude Taine explique que "le plus dur a été l’annonce de la fermeture, même si l’on sentait venir la chose". Quels que soient leur ressenti de la situation et leur parcours - certains atypiques comme celui d’Alain Capuano, ancien ouvrier -, tous les libraires se retrouvent pour témoigner d’une même voix du plaisir qu’ils ont, chaque jour, à exercer leur métier. Au fil du reportage, on découvre aussi les marques de soutien apportées par leurs partenaires - dont les représentants, qui, via leur association Le Confluent du livre, ont organisé une soirée amicale un mois avant la fermeture. Les lecteurs ne sont pas non plus en reste. Ainsi, lors d’une altercation entre un client et une salariée, plusieurs fidèles de la librairie n’ont pas hésité, dans un mouvement de compassion, à prendre le parti de cette dernière, à la réaction pourtant un peu vive. "Les nerfs lâchent mais c’est compréhensible", commente un témoin de la scène. Face à l’approche de l’échéance, marquée par des rayonnages de plus en plus vides et des tables d’exposition transformées en tables de ping-pong, les salariés font part de leurs inquiétudes sur l’avenir. Le reportage se termine en indiquant que, sur les 23 salariés alors en poste, un seul, à ce jour, a retrouvé un emploi, chez Gibert Joseph à Lyon. Clarisse Normand