11 mai > Roman Etats-Unis > Jay McInerney

Ils ont vieilli, les Calloway. On a connu Russell et Corrine, les beautiful people new-yorkais, jeunes intellectuels pleins d’ambition dans les années 1980 (Trente ans et des poussières, L’Olivier, 1993), "couple parfait" déboussolé dans Manhattan de l’après 11-Septembre (La belle vie, L’Olivier, 2007). Les voilà en troisième saison, tout juste quinquagénaires, parents de jumeaux de 11 ans, dans les deux années pré-Obama, ce troisième volet s’achevant peu après son élection en 2008, en pleine crise des subprimes. Depuis leur rencontre sur les bancs d’une prestigieuse université, ils totalisent vingt-cinq ans de vie commune. Originaire d’une petite ville du Michigan, Russell, éditeur, a repris en 2002 une maison littéraire. Ancienne étudiante en histoire de l’art, Corrine, qui vient du très chic et blanc Upper East Side, travaille dans l’association caritative Nourrir New York et écrit des scénarios, notamment l’adaptation de Jeunesse et beauté, le roman de leur brillant ami Jeff, mort en 1988, et objet d’un culte posthume.

Les Calloway vivent au-dessus de leurs moyens. Ils louent depuis des années le même loft à l’ancienne, à TriBeCa dans ce sud Manhattan gentrifié. C’est à peu près tout ce qu’il reste de bohème dans le mode de vie de ses bourgeois démocrates, membres de l’élite culturelle, qui passent leurs vacances dans une ferme des Hamptons où ils organisent chaque été une fête dans une ambiance très Gatsby.

Au temps des turbulences de la maturité, la monogamie déjà bien éprouvée est à nouveau mise en question avec le retour de Luke, le très riche amant de Corrine, rencontré sur le site de Ground Zero au lendemain de l’attaque des Tours jumelles. Tandis que Russell se consacre au lancement de sa découverte, un jeune nouvelliste prodige du Tennessee accro au crystal meth, et met une énorme option sur le livre témoignage d’un ancien otage des talibans, loin de sa ligne éditoriale.

Les jours enfuis, c’est à la fois l’anatomie d’un mariage, une chronique urbaine et la satire indulgente d’un certain milieu new-yorkais. Jay McInerney suit ce petit cercle de privilégiés, de galas de charité en vernissages, soirée de première et restaurant "ultraprivé", parties de pêche à la mouche et week-end adultère dans le Vermont, au rythme d’un name-dropping plus ou moins codé, de marques branchées et de célébrités.

Avec l’âge, l’écrivain a mis un peu d’eau de rose dans ses vins millésimés qui ont remplacé des substances plus dures. Il a l’ironie plus empathique. Le désenchantement offensif s’est mué en nostalgie. Les illusions perdues ont revêtu des habits plus romantiques même s’il conserve ce talent, porté à son meilleur dans les nouvelles - La fin de tout (Points, 2004), Moi tout craché (L’Olivier, 2009) -, de décrire de l’intérieur ce ballet des vanités dont il connaît intimement les pas. Et que dans son alter ego, Russell, on peut retrouver, près de quarante ans après son arrivée à New York, la fascination pour les lumières de la ville, du jeune homme né en 1955 dans le Connecticut, de l’oiseau de nuit de Bright lights, big city, son mémorable premier roman de 1984 qui reparaît chez Points.

Véronique Rossignol

27.04 2017

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