18 août > Roman France

Tout commence au Sénégal, non loin de Saint-Louis, comptoir français, un peu avant la Révolution. Yacine, un jeune orphelin baptisé Baptiste par le bon père Jean qui l’a recueilli, montre vite des capacités étonnantes : il aime le grec ancien, excelle en maths, et se veut athée ! Au moment de partir pour la grande ville, où on lui a trouvé un travail auprès de Pelletan, le directeur de la Compagnie royale du Sénégal, un brave homme des Lumières, ennemi juré de l’esclavagisme, Yacine trouve et adopte un lionceau, qu’il prénomme Kena, soit "Personne", en wolof. Le garçon et l’animal vont former un duo inséparable, augmenté d’Hector, le corniaud qui devient le compagnon du lion. Personne est une brave bête, qui n’a jamais chassé ni tué pour se nourrir, n’a fait de mal à personne et, élevé auprès des hommes, serait bien incapable de retourner à la vie sauvage.

Il coule quelques années heureuses chez Pelletan, à qui Yacine sert à la fois de comptable et d’espion auprès de Fany, la puissante signare, qui le dépucelle au passage. Le directeur, lui, peu porté sur les femmes bien qu’il soit marié et père d’une fille, Marie, file le parfait amour avec Adal, un Noir, qui sera le compagnon de sa vie. Mais le destin vient frapper ce petit monde édénique : Yacine meurt de la variole en 1787. Personne grandit, et une cabale s’ourdit chez les notables de Saint-Louis contre Pelletan. Celui-ci se résout, la mort dans l’âme, à se séparer de son lion et, toujours accompagné d’Hector le chien, à l’expédier vers la France. Destination la ménagerie royale de Versailles, dirigée autrefois par Buffon. Puis par Jean Dubois, son élève.

Au terme d’un voyage atroce, Personne arrive au Havre de Grâce, en 1788. Dubois le réceptionne, le soigne, le convoie jusqu’à Versailles, dans une ménagerie passée de mode au profit du Trianon, délabrée, abandonnée. Le courageux intendant fera de son mieux pour lui redonner de son lustre, puis protéger ses pensionnaires de la furie révolutionnaire. La ménagerie sera transférée à Paris, en 1793, au Jardin national, qui deviendra parc zoologique puis Jardin des Plantes. C’est là que Personne s’éteint, en 1796.

Avec ce roman "naturaliste", Stéphane Audeguy réussit son arrivée au Seuil. Superbe fable animalière, Histoire du lion Personne est aussi une leçon d’humanité, à travers des personnages d’exception, fictifs ou réels : Yacine, Pelletan, Dubois, Bernardin de Saint-Pierre, Geoffroy Saint-Hilaire… C’est un plaidoyer en faveur du respect de l’autre, quels que soient son origine, la couleur de sa peau, ses idées et ses goûts. Jean-Claude Perrier

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