11 février > Roman France

Avec une régularité de manomètre, J.M. Erre nous gratifie, tous les deux ans depuis 2006 et chez le même éditeur, d’un roman à la fois différent du précédent quant à son genre - ici, il s’agit d’une variation sur quelques thèmes majeurs de la SF : les soucoupes volantes, l’existence des extraterrestres, le big bang et tutti quantiques - et tout aussi succulent. Extrêmement érudit dans des domaines fort divers, de la variété française à la physique, par exemple, nourri d’humour potache, d’une avalanche de péripéties à la fois désopilantes et impossibles à synthétiser, enrichi de dialogues que le regretté Michel Audiard n’aurait pas désavoués, d’un tas d’inventions parodiques - l’auteur, professeur sérieux à Sète, collabore également à "Made in Groland" chaque semaine sur Canal+ -, mais sans gommer un côté métaphysiquement angoissant. J.M. Erre semble fasciné par l’apocalypse qui nous guette. Comme autrefois l’hebdomadaire Pilote, on pourrait dire qu’il "s’amuse à réfléchir".

Le grand n’importe quoi dont il est ici question, c’est la kyrielle de catastrophes qui s’abattent, précisément le samedi 7 juin 2042 à 20 h 42, sur la petite ville française qui porte vaillamment le nom de Gourdiflot-le-Bombé. Parce que le jeune Arthur, un écrivain de SF non publié, et sa fiancée Framboise ont décidé de se rendre à l’anniversaire - costumé - de leur copain Patrick, un Monégasque réfugié en France depuis que le mollah Albert et ses talibans ont instauré le régime de la charia dans la principauté. En ces temps troublés, les Malgaches ont colonisé l’économie mondiale grâce à l’énergie tirée des poils de leurs lémuriens, Eric Zemmour s’est fait moine bouddhiste, et les frères Bogdanov ont obtenu à la fois le Nobel de littérature et celui de physique. Arthur, donc, déguisé en Spiderman, a vomi sur sa fiancée, d’où dispute et abandon (provisoire). Alors qu’il erre dans les rues de Gourdiflot, il va tomber sur une soucoupe volante, des extraterrestres qui ont enlevé Alain Delon, le fondateur très dépressif des Homonymes Anonymes, des culturistes en folie qui veulent lui faire la peau, une maire vétérinaire coquine qui croit en la réincarnation, ou encore Lucas, son double, son frère, un malheureux auteur de SF, lui aussi, qui vient de voir son manuscrit, juste achevé, dérobé par une indélicate.

Tout ceci, au final, ne serait-il pas le fruit de l’imagination d’un auteur en roue libre ? Une manière d’entrer dans cet Age littéraire qu’il appelle de ses vœux et dont il prophétise l’avènement - hélas après une première fin du monde ! Trop sérieux s’abstenir, bien sûr. Il faut conserver son âme d’enfant, ou d’adolescent, pour apprécier comme il convient l’œuvre de J.M. Erre, écrivain unique, du moins dans notre galaxie. J.-C. P.

Les dernières
actualités