« Noël, arrêtez de me faire chier ! » Je me souviens encore du regard ahuri d’un confrère assistant à une engueulade au service politique de La Croix. Sans doute un 14-Juillet où je râlais contre mon chef de service qui me demandait d’extraire du Journal Officiel la liste de ceux qui avaient l’honneur de recevoir une médaille (ils étaient légion) et où je ne devais omettre aucun journaliste et aucun curé, à moins qu’il ne s’agisse de rédiger un compte-rendu des tristounettes « Semaines sociales ». Noël Copin vient de mourir il y a quelques heures. La dernière fois où je l’ai vu, je n’ai pu dégager mon regard de la fenêtre de sa chambre dans une maison de soins palliatifs. Une vaste baie donnant sur une colline surmontée d’un petit château, le tout barré par une belle branche qui attend le printemps pour revivre. Voilà donc la dernière image qu’il a emportée. Elle était belle. Noël et moi avons travaillé ensemble pendant sept ans. De 1969 à 1976. C’est avec lui que j’ai commencé mon métier de journaliste. Je ne l’ai jamais oublié. Jusqu’au jour où il a quitté France 2 (et quelques illusions) pour revenir à La Croix . Il voulait que ceux qui s’étaient opposé à son départ du quotidien catholique reviennent avec lui. J’ai refusé. « On ne revient pas en arrière . » Sans doute lui ai-je fait de la peine ce jour-là. Formé par ma famille à obéir aux profs, aux chefs, aux importants, j’ai appris ensuite patiemment à désobéir. Reste le respect d’un journaliste, d’un homme : Noël Copin que j’ai commencé à tutoyer après lui avoir manqué. Des chefs pour lesquels j’ai du respect il n’en reste pas beaucoup, en dehors de lui. C’est pour cela que je veux lui dire, là: « Noël tu me fais vraiment chier aujourd’hui ! » PS : C’est avec lui que j’ai appris qu’il vaut mieux mourir un jour où personne d’important n’est mort si l’on veut recevoir les hommages de la presse. Je ne sais pas ce qui restera de l’œuvre d’Henri Troyat, mais ici, dans le cadre de Livres-Hebdo , je veux dire que si Copin n’a pas laissé beaucoup de livres derrière lui, il laisse à coup sûr un grand vide. Il suffit de voir l’actuel traitement de l’élection présidentielle par la presse et la télévision pour se dire qu’on ne tardera pas à regretter sa plume fine, incisive, incorruptible. PPS : Merci à un Président qui a su prendre son téléphone, juste après la cérémonie des vœux de janvier, parce que, lui aussi, est un homme sensible à la douleur de ses semblables.
15.10 2013

Auteurs cités

Les dernières
actualités