5 avril > Roman Venezuela > Alberto Barrera Tyszka

Le roi se meurt, le roi est mort, vive le roi! Caracas, 2012, le Venezuela retient son souffle. Ou plutôt, il l’accorde à celui de son Président, adoré par beaucoup, détesté par autant, craint par presque tous, réfugié depuis presque deux ans à Cuba pour soigner un cancer, le "Commandant" Hugo Chávez. La vie continue bien sûr, alors que l’on pressent que celle du héros de la révolution bolivarienne va bientôt s’achever. Une vie cahin-caha dans une ville dévorée par la violence, une société fracturée. C’est là, dans un immeuble de Caracas, que vont se côtoyer des êtres réunis par la fragilité de leur existence et l’écho en elle de la maladie du Président. Il y a là un cancérologue à la retraite, sa femme qui hait Chávez, son neveu parti l’accompagner dans sa "convalescence" cubaine. Il y a aussi deux enfants, deux adolescents, laissés plus ou moins à l’abandon et reliés au monde et entre eux par les seuls liens d’Internet. Il y a un journaliste en rupture de ban qui essaie de se réinventer en écrivain et entreprend pour cela de chroniquer la fin de l’homme à la chemise rouge sang, une de ses consœurs américaines aux prises avec le mystère du charisme, des spécialistes endurcis de l’occupation illégale de logements.

Tout ce petit monde qui s’agite avant que le rideau ne tombe, c’est celui des Derniers jours du Commandant, le troisième roman traduit en français d’Alberto Barrera Tyszka, après La maladie (Gallimard, 2010) et Rating (Zinnia, 2015). Lui-même ancien journaliste, auteur d’une biographie de Chávez qui fait autorité en Amérique latine, Barrera Tyszka s’y entend à merveille pour montrer comment une situation délétère à l’échelle d’un pays infuse en chacun et corrompt tout sens moral. Roman choral techniquement très abouti autant que classique, qui s’interdit toute position de surplomb par rapport à ses personnages, Les derniers jours du Commandant peut faire penser à quelques-unes des plus éclatantes réussites de Mario Vargas Llosa. Roman de la nuit et de la peur, il en a la force, l’ampleur, la croyance que la littérature, in fine, dissipera les ombres. O. M.

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