Il existe des vedettes en creux de la rentrée littéraire. De celles dont l’œuvre discrète se fait évidente à force de prégnance, et de résistance à l’écume germanopratine. En parallèle de Pierre Michon, (Grand Prix du Roman de l’Académie française, ce qui, après le Décembre en 2002, sent la transformation de l’écrivain maudit en nouvelle vache sacrée), je voue une affection particulière — et sans aucun rapport — à Denis Sassou NGuesso, le président de la République du Congo. Peut-être en raison de mes géniteurs, qui vivent un peu plus bas, dans la brousse de l’Afrique australe. Passons outre l’affaire des « biens mal acquis », aux termes de laquelle plusieurs essayistes de renom ont failli être rattrapés par de vilaines querelles françafricaines. Hormis Denis, la justice française a titillé, jusqu’au non-lieu, Omar Bongo (et maintenant sa famille), auteur de Blanc comme Nègre (Grasset, 2001), et de Confidences pour un Africain (Albin Michel, 1994), ainsi que le guinéen équatorial Teodoro Obiang, signataire de l’inoubliable Ma vie pour mon peuple (jeune Afrique/le Jaguar, 2007). Quant à Denis, le président du « petit » Congo, il a été ces derniers temps victime d’autant de soucis éditoriaux que Tintin au (Grand) Congo. Tout a commencé cette rentrée avec le roman de Patrick Besson, Et le fleuve tuera l’homme blanc (Fayard), dont le lecteur sort marabouté : en causes, le style, à coups de fulgurances et de formules ; la trame, africo-contemporaine à souhait ; enfin, cette sensation étrange que l’auteur oscille entre le rôle de bouffon (du président-roi) et celui d’allégeant, amoureux des femmes Vili et du parler lingala. Le pavé (jamais lassant, contrairement à ce que des critiques peu soucieux de lire plus de cent pages de négritude ont pu faussement commenter) lui vaudra peut-être le Médicis d’ici peu. Denis, personnage phare du roman, devra alors décider entre l’opprobre et la décoration (en l’occurrence le Mérite des arts et sciences du Congo) ! Mais le plus grave reste l’histoire de la préface signée Nelson Mandela. Résumons : en juin dernier, est paru chez Michel Lafon cet opus majeur de Denis, intitulé Parler vrai pour l’Afrique , auréolé, en plus de son titre téméraire, d‘une préface de Mandiba (surnom quasi-officiel du vainqueur de l’apartheid). Hélas, après la publication récente en anglais de ce sommet d’auto-glorification, l’entourage du Prix Nobel de la paix vient de récuser cette préface, fabriquée de toutes pièces à partir de citations de Mandela à son propos, certes, mais datant d’avant le coup d’Etat de 1997 qui a permis à Denis de revenir (et rester) au pouvoir de façon pour le moins coercitive. Pour autant, on est calmes et l’on boit frais à Brazaville. Car la publicité mensongère, comme le jeu pipé des prix littéraires, ne sont, en France, pas réprimés, dès lors qu’il s‘agit d’affaires de librairie. Tout juste Mandela pourrai-il lui même assigner pour contrefaçon, ce qui en pratique paraît peu probable. Ouf, l’honneur sera sauf. Denis n’aura plus, en revanche, autant loisir d’agir contre la presse et l’édition de l’ex-puissance coloniale. Il avait notamment attaqué, sur le fondement de l’offense aux chefs d’Etat étranger, Noir Silence du regretté François-Xavier Versachave (Les Arènes, 2000). Le rempart juridique s’est depuis lors effondré, puisque, en 2004, la France avait dû, après une condamnation émanant de la Cour européenne des droits de l’Homme, abroger l’article de loi problématique sanctionnant ce crime de lèse-majesté (étrangère). Rien de grave au fond. Au Rwanda voisin, il se dit que «  la langue n’a pas d’os  ».

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